mercredi 21 avril 2010

Rwanda - Arrestation au Rwanda d'une opposante à Paul Kagamé

(Le Monde 21/04/2010)
L'opposante rwandaise Victoire Ingabire a été arrêtée mercredi à Kigali pour "collaboration avec une organisation terroriste" et "négation du génocide". "Elle a été arrêtée aujourd'hui à Kigali. Elle est accusée de collaboration avec une organisation terroriste, de divisionnisme, de négation et minimisation du génocide [des Tutsis au Rwanda en 1994]", a indiqué un haut responsable du parquet général qui a requis l'anonymat. Elle est en outre accusée d'association avec les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) basées dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC).
Victoire Ingabire préside les Forces démocratiques unifiées (FDU), un parti qui à ce jour n'a pas été agréé par les autorités rwandaises. Après seize ans d'exil en Europe, elle était rentrée au Rwanda en janvier et avait annoncé son intention de se présenter à l'élection présidentielle d'août.
A peine arrivée à Kigali en janvier, Mme Ingabire s'était rendue au Mémorial du génocide des Tutsis, situé sur la colline de Gisozi. "Le chemin de la réconciliation est encore long. Ce Mémorial ne rappelle que le génocide perpétré contre les Tutsis, alors qu'il y a eu aussi des massacres de Hutus, avait-elle déclaré. Les Hutus qui ont tué les Tutsis doivent comprendre qu'ils doivent être punis. Il en va de même des Tutsis qui ont tué les Hutus." Auparavant, Victoire Ingabire avait déclaré qu'elle était rentrée pour libérer les Rwandais "de la peur, de la pauvreté et des gacaca [les tribunaux populaires traditionnels qui jugent les génocidaires présumés] inefficaces".
Ces déclarations avaient déclenché la fureur des victimes du génocide. La candidate avait été accusée de propager le négationnisme et son corollaire, la théorie du "double génocide" qui aurait touché symétriquement Tutsis et Hutus. Le génocide a causé la mort de huit cent mille Tutsis et Hutus modérés entre avril et juin 1994. Des massacres en représailles contre des réfugiés hutus, accusés d'avoir participé au génocide, ont, ensuite, été commis au Zaïre voisin – l'actuelle République démocratique du Congo (RDC).
La vie publique rwandaise est soumise à une loi de 2008 punissant de dix à vingt-cinq ans de prison "l'idéologie du génocide", un texte "rédigé en termes vagues et ambigus (...) qui muselle de manière abusive la liberté d'expression", selon Amnesty International.
Depuis son retour d'exil, la dirigeante politique a subi une série d'attaques : victime le 3 février d'une agression probablement organisée par le pouvoir, elle a perdu son adjoint, passé à tabac puis incarcéré après une condamnation prononcée par une gacaca. Fin mars, alors qu'elle souhaitait rendre visite à sa famille aux Pays-Bas, Victoire Ingabire s'était vue interdite de quitter le territoire rwandais.

LEMONDE.FR avec AFP
21.04.10
16h44
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