vendredi 30 avril 2010

Togo : présidentielle, relations avec Jean-Pierre Fabre, gouvernement... Gilchrist Olympio s'explique

Par Christophe Boisbouvier
Depuis le début de l'année, il y a une énigme Olympio. Pourquoi l'opposant historique du Togo ne s'est-il pas porté candidat à la présidentielle du 4 mars dernier ? Est-il en conflit avec son lieutenant, Jean-Pierre Fabre ? Pourrait-il un jour entrer dans un gouvernement aux côtés des amis du président Faure Gnassingbé ? Gilchrist Olympio, le chef de l'UFC, l'Union des forces du changement, s’explique.
Gilschrist Olympio bonjour…
Pourquoi n’avez-vous pas été candidat à la dernière présidentielle ?
« J’ai été malade. Vous savez, j’ai eu une chute plutôt malheureuse à Washington. Je suis tombé du premier étage jusqu’au rez-de-chaussée. J’ai loupé une marche, dans la soirée, je suis allé rendre visite à ma fille, qui vit à New York et quelqu’un m’a dit de venir à Washington passer quelques jours et c’est à Washington que j’ai eu mon accident, et j’ai eu à passer deux jours à l’hôpital de Georgetown. Après j’ai eu le traitement de physiothérapie. Je n’ai pas d’os cassés, mais beaucoup de contusions musculaires. »
RFI :Beaucoup se sont demandé si ce n’était pas une maladie diplomatique.
« Vous savez, au Togo il y a tellement de rumeurs ! Vous savez, j’étais le candidat choisi à 100 % par notre congrès et j’étais prêt à y aller quand j’ai eu cet accident malheureux à Washington. »
RFI :Pourquoi avez-vous tardé à prendre la parole pendant la campagne, en faveur du candidat Jean-Pierre Fabre ?
« Tout le monde dit qu’on a tardé. Non, ce n’est pas du tout ça. D’abord, j’étais malade et surtout j’avais besoin de temps pour consulter les autres partis de l’opposition »
RFI :Donc, vous n’avez pas soutenu Fabre d’entrée de jeu. Vous avez hésité, c’est ça ?
« Oui, c’est exact. J’étais candidat et je voulais être candidat. J’ai cru que j’allais me relever un peu plus tôt, mais mes médecins m’ont dit : ce genre de chute, il faut compter un ou deux mois. Et quand je me suis relevé un peu, je suis parti directement à Lomé. J’ai fais le tour du stade municipal en voiture et j’ai dit à tout le monde – il y avait un monde énorme ! – et j’ai levé le bras avec Fabre pour leur dire :’voici votre candidat. Il faut voter pour Jean-Pierre Fabre’. »
RFI :Mais franchement, Gilchrist Olympio, est-ce que vous n’avez pas hésité aussi parce que peut-être pensiez-vous que Jean-Pierre Fabre n’était pas le meilleur candidat de l’UFC en votre absence ?
« Peut-être, peut-être… Mais vous savez, on a une structure dans le parti. Il faut choisir un candidat en mon absence et on me dit - je n’étais pas présent-, il ne reste que Jean-Pierre Fabre qui est un garçon qui a beaucoup de qualités et comme nous tous, certains défauts aussi. Mais je crois que dans les circonstances, c’était le meilleur candidat que l’on pouvait avoir. »
RFI : Quels sont les petits défauts que vous lui connaissez ?
« Oh… il est un peu plus jeune que moi… »
RFI :Ca, ce n’est pas un défaut.
«Un peu plus de fougue, mais je crois qu’il est intelligent et surtout très travailleur.»
RFI :Alors à l’issue de cette présidentielle du 4 mars, le sortant Faure Gnassingbé a été proclamé vainqueur avec 60 % des suffrages exprimés. Qu’est-ce que vous pensez de ces résultats ?
« Non. Ce n’est pas crédible. On a eu, je crois, moins de cent observateurs européens, et on avait 6 000 bureaux de vote. Donc, il y avait un problème en amont : c’est la liste électorale, il y a le problème de comptage. »
RFI :Si le scrutin s’était bien passé, qui aurait gagné à votre avis ?
« On aurait gagné et gagné massivement. Il n’y a pas de problème. Nous sommes de loin le parti le plus organisé, le plus structuré et le plus populaire du Togo. Et ce que nous demandons c’est ce que le peuple demande, même aujourd’hui. Tous les samedis vous allez voir des centaines de milliers de gens qui marchent. Qui font des marches de protestation, juste pour dire que les résultats ne sont pas crédibles. »
RFI : Alors, vous parlez de ces manifestations hebdomadaires tous les samedis. Lors de l’une d’entre elles, le 17 avril, vous avez été pris à parti par des jeunes militants de votre propre parti de l’UFC. Vous avez quitté les lieux. Comment vous avez vécu ce moment ?
« Quand les quelques jeunes ont jeté des pierres ? »
RFI :Oui.
« Non. C’est un très petit incident. Il y avait à peu près une demi-douzaine de jeunes gens qui jetaient des pierres. Rien de très sérieux, vous savez. Tout l’état major de notre parti l’a condamné. Ils sont venus tous à la maison pour me dire que vraiment ils sont attristés par les événements de ce matin. »
RFI :Mais n’est-ce pas le signe qu’il y a quand même quelques divergences de vue, entre le courant Jean-Pierre Fabre et le vôtre ?
« C’est tout à fait normal. Ce n’est pas profond. Nous sommes tous membres du même parti. Naturellement, il y a plusieurs courants.»
RFI : A la fin de l’année vous aurez 74 ans. Est-ce que vous envisagez d’être à nouveau candidat de l’UFC à la prochaine présidentielle ou pas ?
« Ca dépend des circonstances. Wade est toujours président. Je crois que Mandela est devenu président à 75 ans. J’espère que je serai en forme pour accompagner mon parti. Sinon, on trouvera le bon candidat pour notre parti. »
RFI : Alors beaucoup pensent que vous allez rentrer dans un gouvernement formé par le président Faure Gnassingbé. Quelle est votre position là-dessus ?
« C’est une question que nous devons étudier sérieusement, mais pour le moment l’attitude c’est que nous continuions notre rôle d’opposition à ce régime militaire. Peut-être avec des concessions de tous les côtés on peut trouver une solution mais pour le moment la question n’a pas été sérieusement étudiée. »
RFI :
Alors vous avez quand même quelques discussions discrètes, avec les membres de l’entourage de Faure Gnassingbé. Est-ce que ces discussions vous ont permis d’avancer ou pas ?
« Nous en avons eu dans plusieurs pays. A Rome, à Paris, à Bruxelles, à Ouaga et à Lomé et on a toujours essayé de trouver un terrain d’entente. Mais ceci a été, jusqu’à maintenant, impossible.»
RFI :
Quelle est la dernière fois que vous avez parlé avec Faure Gnassingbé ?
« Ca remonte presque à un an et demi. »
RFI :
Même au téléphone ?
« Même au téléphone oui. Je ne l’ai jamais eu au téléphone. »
RFI :
Et à quelles conditions pourriez-vous envisager une entrée au gouvernement ?
« Très difficile. Si par hasard on doit entrer dans un gouvernement de ce genre, il nous faut beaucoup, beaucoup de garanties. Parce que vous savez, c’est une dictature, en place depuis 45 ans, et ils ont une armée restée prétorienne, tribale et familiale. Donc, il nous faut trouver une solution. »

RFI :
Gilchrist Olympio, merci.

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