lundi 26 avril 2010

Côte d'Ivoire, Sénégal - CRISE IVOIRIENNE: Que peut apporter Wade de plus ?

(Le Pays 26/04/2010)
Facilitateur bis de la crise ivoirienne. C’est le nouveau qualificatif que l’on peut donner au président sénégalais, Abdoulaye Wade, depuis la fin de la semaine écoulée. En visite en Côte d’Ivoire les 22 et 23 avril derniers à l’invitation de son homologue ivoirien, le numéro un sénégalais en a profité pour se revêtir du manteau de facilitateur de la crise ivoirienne malgré les clarifications qu’il a lui-même données.
En effet, bien qu’il clame qu’il ne joue pas les médiateurs, qu’il est venu en ami et non en médiateur", il ne s’est pas gêné de mettre les pieds dans le plat. Cela a consisté pour ce médiateur officieux, à évoquer les sujets de blocage de la sortie de crise comme le processus électoral, le déploiement de l’Administration dans le Nord de la Côte d’Ivoire, le désarmement des ex-rebelles. Poussant loin sa médiation, Abdoulaye Wade a rencontré les acteurs traditionnels de la crise et du processus de paix à savoir (outre le chef de l’Etat) le Premier ministre, l’opposition, la Commission électorale indépendante.
Le facilitateur officiel et attitré, Blaise Compaoré, n’aurait pas fait mieux. Au terme de ses consultations qui ont quand même eu un goût d’inachevé avec l’absence à Abidjan de Henri Konan Bédié et de Alassane Dramane Ouattara, le facilitateur bis (ou médiateur bis, c’est selon) a diagnostiqué un déficit de communication entre les acteurs de la crise et du processus de paix.
Comme "solutions", Abdoulaye Wade compte suggérer au facilitateur attitré de "regrouper tout le monde dans une sorte de table ronde ou des réunions multilatérales". En football, ce que Wade a fait est tout simplement un tâcle par derrière, c’est-à-dire un tâcle méchant. Son attitude laisse plus d’un observateur pantois. A-t-il la caution du facilitateur attitré ? Est-ce parce qu’il se trouve en Côte d’Ivoire qu’il se croit obligé de jouer les facilitateurs tout en se défendant de le faire ? Si c’est le cas, il faut s’attendre à une flopée de facilitateurs au regard du nombre de chefs d’Etat qui seraient amenés à se rendre en Côte d’Ivoire durant la crise.
C’est dire que le chef de l’Etat guinéen par intérim, le général Sékouba Konaté, a raté une chance d’être médiateur. On se rappelle qu’il était en visite officielle en Côte d’Ivoire mais s’est abstenu de marcher sur les platebandes du facilitateur. Ce n’est sans doute pas qu’il manque de "conseils" ou "d’encouragements" à donner aux acteurs de la crise même s’il n’est pas un "aîné". Nul doute que c’est pour ne pas gêner la facilitation que tous ceux qui ont des conseils ou des idées évitent d’y débarquer avec leurs gros sabots. Car en matière de négociation, le proverbe qui veut que "trop de viande ne gâche pas la sauce" n’est pas de mise. Trop de médiateurs brouillent la médiation. Mais Abdoulaye Wade semble n’en être pas convaincu et n’hésite donc pas à s’y inviter, à proposer ses services sans qu’ils aient été sollicités. Cette attitude traduit quelque part sa très grande envie de jouer les premiers rôles dans la sous-région ou ailleurs. Qu’il s’agisse de la Guinée Conakry, du Niger, de Madagascar, Wade était disposé à réconcilier les parties en conflit dans ces pays sans aucun égard pour ceux qui nomment les médiateurs. Il a tout juste eu le temps de faire ses preuves en Mauritanie où il a pu faire entendre raison aux frères ennemis de ce pays qui étaient en froid depuis le coup d’Etat, d’août 2008, du général Abdel Aziz. Avec le succès enregistré dans ce pays, Wade peut bien se targuer lui aussi du titre de médiateur. Il ne comprend donc pas que ses services, son expertise soient délaissés au profit d’autres personnes qui ploient sous le poids des offres, qui jouent les pompiers dans trois pays (excusez du peu) à la fois. Si l’ombre ne vient pas à la biche, c’est à la biche d’aller vers elle, dit un proverbe. En d’autres termes, Wade s’est résolu à s’inviter dans les médiations.
Mais c’est oublier qu’il ne faut pas courir après les médiations. N’est pas mediateur qui veut. Pour preuve, la suggestion de la fameuse " sorte de table ronde" pour résorber le déficit de communication n’a rien d’extraordinaire vu que l’accord politique de Ouagadougou a institué par exemple le cadre permanent de concertation (CPC) où les principaux acteurs de la crise ivoirienne font périodiquement le point du processus de paix sous la houlette du facilitateur. En somme, on chercherait à savoir ce que Wade peut apporter de plus à la sortie de la crise ivoirienne, qu’on ne trouverait rien.

Séni DABO
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