(Xinhuanet 27/04/2010)
Expert financier bien connu de l'opinion publique camerounaise, Babissakana, responsable d'un cabinet à Yaoundé, Prescriptor, a estimé dans une interview à Xinhua que le Cameroun a besoin d'un bon système financier pour consolider sa crédibilité. Il dénonce la décision du gouvernement de signer un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour le financement d'un nouveau programme économique.
Question : Comment réagissez-vous à la décision annoncée du gouvernement camerounais de signer un accord avec le Fonds monétaire international pour le financement d'un nouveau programme économique ? Réponse : Le FMI n'est pas une banque ordinaire ; il n'intervient que lorsqu'un Etat a des problèmes structurels de sa balance des paiements. Or, depuis 2006 avec le traitement du problème de sa dette qui le mettait en défaut de paiement depuis la fin des années 80 et qui a été ramenée à un niveau extrêmement bas, le Cameroun n'a plus un problème structurel de sa balance des paiements.
Malgré la crise financière et économique internationale de 2008-2009, le Cameroun n'est pas entré en crise. C'est aujourd' hui problématique que le gouvernement envisage de signer un programme qui va être financé par le Fonds monétaire. Ce qui suppose de se mettre dans des conditionnalités précises. Quesiton : Pourquoi dites-vous que le Cameroun n'a pas un problème structurel de sa balance des paiements ? Résponse : L'Etat lui-même a un niveau de liquidités qui est un peu disproportionné. Fin novembre 2009, il avait des réserves de l'ordre de 526 milliards de francs CFA à la banque centrale. Et au niveau international, il a des dépôts importants, les fonds qui sont déposés au trésor français, etc., qui s'élevaient à 1700 milliards en décembre 2009. Rien que l'année dernière, les recettes de l'Etat ont attient 2014 milliards.
90% de ces recettes représentent les ressources propres. Ce qui veut dire que même en termes d'investissements, il peut lui-même financer une grande partie de ses projets.
Question : Mais peut-il se contenter de ses ressources propres pour financer ses programmes d'investissement, surtout dans le contexte des grands projets de développement par lesquels il vise à devenir un pays émergent ? Résponse : Le problème qui se pose par rapport aux ressources propres de l'Etat, c'est que jusqu'à 74% sont affectés au fonctionnement. Les investissements ne représentent que 26%. Parce que les bons ratios, c'est que l'investissement doit au moins représenter 40% du budget. Prenez déjà 40% de 2000 milliards, regardez ce que ça représente en termes de capacité d'investissement en ressources propres. Maintenant, ajoutez à ça que chaque Etat moderne gère un endettement. Que ce soit la France, les Etats-Unis, l'Allemagne le Japon, tous les grands pays financent une partie de leurs projets par l'emprunt. L'Etat camerounais, qui n'a pas un problème de balance des paiements, donc qui a une signature saine, peut s'endetter librement auprès des marchés camerounais et même étrangers. Question : Est-ce à dire que vous partagez l'opinion selon laquelle le gouvernement peut émettre un emprunt obligataire auprès de certains Camerounais qui ont la réputation de posséder d'énormes fortunes pour les amener à investir dans le développement de leur pays ? Réponse : L'endettement de l'Etat se situe autour de 12% du PIB. Ce qui est un niveau extrêmement bas. Donc, la position de l'Etat est attractive. Autrement dit, il peut lancer des emprunts non seulement auprès des Camerounais mais également sur le marché sous- régional. Il ne peut même pas s'enfermer à dire qu'il s'adresse seulement aux ménages camerounais. Ce n'est pas crédible. Il doit lancer des emprunts auxquels des étrangers peuvent souscrire, sur le marché national, sur le marché des six Etats [de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale] ou même sur le marché global.
Question : D'un côté les banques commerciales au Cameroun sont sur-liquides et de l'autre très peu de crédits sont accordés, notamment aux petites et moyennes entreprises, pour financer l'économie nationale. Comment peut-on inverser cette tendance ?
Réponse : Là encore, c'est un problème de stratégie financière de l'Etat. Parce que l'Etat joue deux rôles : il se finance lui- même et il intervient par des actions bien structurées et organisées pour permettre à ce que les autres agents économiques puissent trouver des financements pour que l'économie puisse croître. Donc, il y a un problème sur le marché du crédit camerounais. Le volume total de crédits octroyés à l'économie, c'est autour de 14% du PIB. C'est le système financier qui n'a pas les institutions appropriées pour que le marché du crédit se développe, parce qu'il y a beaucoup de services publics qui accompagnent le marché du crédit : les services de protection juridique et judiciaire qui permettent d'appliquer les systèmes garantie. On a un système assez important des établissements de micro-finance. Tous ces gens- là n'ont pas accès au service public de gestion des risques. Donc, vous avez les mauvais payeurs qui prennent là, quittent et s'en vont ailleurs. Ils créent un problème dans le fonctionnement du marché du crédit. Un autre problème, le service public de refinancement n'est pas non plus accessible à tous les établissements de micro-finance qui existent. C'est l'Etat qui doit agir pour que tout ça soit ordonné, pour que le système puisse se développer et que le volume des crédits à l'économie soit beaucoup plus important.
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