(Le Potentiel 23/04/2010)
Le samedi 24 avril 2010, cela fera exactement 20 années depuis la restauration du multipartisme en République démocratique du Congo, alors Zaïre. « J’ai décidé de tenter de nouveau l’expérience du pluralisme politique dans notre pays », avait déclaré le maréchal Mobutu Sese Seko le 24 avril 1990, limitant toutefois le système à « trois partis politiques ». Mais, il aura fallu attendre 16 longues années pour que soient organisées, en 2006, des élections présidentielles, législatives et provinciales. En attendant les urbaines, municipales et locales. La RDC vient de s’engager dans une étape cruciale qui exige que les premiers acquis de la démocratie soient consolidés et non assassinés.
La démocratie a-t-elle oui ou non enregistré des avancées depuis 1990 ? « Oui, mais … », constatent des analystes politiques et admettent certains acteurs politiques congolais. Mais, à quoi penser son initiateur, il y a 20 ans ?
« Après avoir mûrement réfléchi et contrairement à mon engagement de suivre l’opinion de la majorité, j’ai estimé, seul devant ma conscience, devoir aller au-delà des vœux exprimés par la majorité du grand peuple du Zaïre. Aussi, j’ai décidé de tenter de nouveau l’expérience du pluralisme politique dans notre pays en optant pour un système de trois partis politiques, en ce compris le Mouvement populaire de la révolution, avec à la base le principe de la liberté pour chaque citoyen d’adhérer à la formation politique de son choix », avait expliqué le maréchal Mobutu, alors président de la République. Sous la violence du vent de la perestroïka soufflant dans les pays de l’Est européen, il avait organisé en 1989 une consultation populaire à laquelle avaient pris part plus d’un million de Zaïrois.
Au total 6.128 mémorandums, dont 818 mémorandums (soit 13 %) s’étaient « clairement exprimés en recommandant vivement l’instauration du multipartisme ».
Ils réclamaient « la réhabilitation des trois pouvoirs traditionnels (législatif, Exécutif et Judiciaire, le renforcement des pouvoirs de contrôle du Conseil législatif (parlement, ndlr) et de tous les organes délibérants, la responsabilisation de l’Exécutif tant au niveau central que régional devant les organes délibérants, la dépolitisation de la Fonction publique, de la territoriale, des Forces armées, de la Gendarmerie, de la Garde civile et des services de sécurité, exigeant pour ces derniers une profonde restructuration en vue de garantir en toutes circonstances les droits fondamentaux des citoyens et les libertés individuelles ».
Au plan social, les doléances portaient sur la dégradation des infrastructures sociales : vétusté des formations médicales, carence en équipements et en médicaments, insuffisance du personnel médical, surpopulation dans les salles des cours ainsi que dans les résidences universitaires et les internats, modicité des rémunérations des agents de l’Administration publique, sous-emploi des cadres universitaires.
Dans le domaine économique, avaient été épinglés la dégradation des voies de communication (routes, voiries, télécommunication), le poids de la fiscalité et de la parafiscalité, les tracasseries administratives, les invendus dans les collectivités rurales, la détérioration des termes de l’échange du paysan et l’insuffisance de l’énergie électrique dans certaines provinces du pays.
CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE
La conférence nationale souveraine (CNS), d’abord contestée par la Mouvance présidentielle parce que soutenue par l’Union sacrée de l’opposition puis organisée de 1991 à 1999 au Palais du peuple, avait porté tous les espoirs du peuple zaïrois.
Mais, les différents gouvernements de transition, la Constitution (non promulguée) et les résolutions qui en résultèrent s’étaient butés à l’intransigeance du Maréchal, installé dans son village de Gbadolité. Le Haut Conseil de la République, parlement de transition (HCR-PT) placé sous la présidence de Mgr Laurent Monsengwo, n’eut pas les coudées franches pour faire exécuter les « Résolutions » censées consacrer le système démocratique dans le pays.
Ni les nombreuses manifestations « de protestations », ni les « journées villes mortes » moins encore le « massacre des chrétiens » à Kinshasa n’avaient eu raison de la « résistance au changement » du régime en place, engagé dans une stratégie de débauchage des leaders de partis de l’opposition et de corruption à grande échelle.
Et alors que l’opposition civile croyait que la chute du régime Mobutu sous la poussée implacable de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) permettrait la « poursuite du processus démocratique avec la mise à exécution des résolutions de la CNS », l’interdiction des activités des partis politiques fut alors considérée comme étant un « frein ».
« L’AFDL est venue pour battre en brèche les résolutions pertinentes de la CNS qui ont mis la RDC sur la voie de la démocratie et de l’Etat de droit », se désole aujourd’hui l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). « L’ordre institutionnel mis en place par la CNS avait été freiné par l’AFDL », précise-t-elle, évoquant l’interpellation et la mise aux arrêts des leaders des partis politiques, dont Etienne Tshisekedi « relégué dans son village ».
DIALOGUE INTERCONGOLAIS ET ELECTIONS
Le Dialogue intercongolais, organisé en Afrique du Sud pour mettre un terme définitif aux conflits armés dévastant les provinces de l’Est de la RDC et installer des institutions républicaines, a le mérite d’avoir relancé le processus électoral en RDC.
Clopin-clopant, malgré des pesanteurs liées à des intérêts partisans, les « Parties » - constituant les forces combattantes (gouvernement, RCD, MLC, RCD-K/ML, RCD-N, Maï-Maï), l’opposition politique et les forces vives - s’étaient accordées sur l’essentiel.
« Les Parties prennent l’engagement de lutter pendant la période de la transition pour un système respectueux des valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés fondamentales », peut-on lire dans l’Accord global et inclusif signé début avril 2003 à Sun-City, après une année d’incertitudes.
Succédant à son père assassiné, le président Joseph Kabila avait promis en janvier 2001 de « conduire le pays aux élections ». En juillet 2006, la RDC organisait ses premières élections présidentielles et législatives « libres et démocratiques ».
Il incombe maintenant aux acteurs politiques, hors et dans les institutions, de s’atteler à la consolidation des avancées enregistrées dans le processus démocratique. Le chef de l’Etat veillant au respect de la Constitution, assurant, « par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat », conformément à ses attributions constitutionnelles.
Mais une chose : la démocratie ne se limite pas aux élections. Elle touche à la stabilité des institutions, au respect de la Constitution, à la bonne gouvernance, au respect des droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté, l’ impunité, l’ intolérance, la gabegie financière, la concussion, le clientélisme politique, la médiocrité, le pillage des ressources naturelles, la spoliation des biens de la collectivité….Alors, n’assassinez pas la démocratie.
Par Le Potentiel
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