(Le Pays 27/04/2010)
Le week-end dernier, l’Est du Tchad, a encore vécu un affrontement armé entre les éléments des forces armées nationales et un groupe de rebelles du Front populaire pour la renaissance nationale (FPRN), actif dans cette région. Cette attaque de l’armée nationale tchadienne entre en droite ligne du durcissement de ton du président Idriss Deby Itno à l’endroit des différents groupes rebelles. Le FPRN a la particularité de n’être pas membre de l’Union des forces pour la résistance (UFR) qui regroupe les factions rebelles avec lesquelles Ndjamena a entamé , il y a peu, des négociations pour pacifier enfin le pays.
Le FPRN est le seul groupe basé sur le territoire national. Il ne se sent donc pas engagé dans les pourparlers entamés à Karthoum. Il fait donc les frais de la nouvelle stratégie du gouvernement qui cible désormais ses adversaires, les isole puis les assomme. Un ratissage est en cours, obligeant le reste des troupes rebelles à traverser la frontière avec le Soudan. La solution militaire apparaît comme l’option pour réduire à néant les groupes rebelles. C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire le départ tant souhaité de la Mission des Nations unies pour le Tchad (MINURCAT) par Déby, arguant de l’échec de cette dernière. Il veut lever ainsi l’obstacle de la présence internationale pour imposer sa solution.
L’UFR, bien que partante pour les négociations de Khartoum, ne voit pas d’un bon oeil la MINURCAT lever son camp. Elle parle d’ailleurs d’une décision unilatérale et irresponsable de la part du gouvernement qui ne tient pas compte de la protection des réfugiés, nombreux dans cette partie Est du territoire. C’est une question qui est loin d’être réglée. Le terme du mandat de la MINURCAT est fixé au 15 mai 2010, mais il est question d’un prolongement d’un an. Peut- être que d’ici là, une solution consensuelle politique sera trouvée et appliquée par toutes les parties. Car ce qui manque le plus à ce pays depuis son premier président François Tombalbaye, c’est la stabilité politique. Le Tchad est le pays de la zone qui fait face à des rebellions successives depuis 40 ans au moins. Tous les locataires du palais de la présidence y sont arrivés par la force des armes avant de légitimer leur pouvoir par les urnes comme l’a fait Déby lui-même. Y a-t-il une chance que Idriss Deby mette fin à ce cycle infernal ? Pas si sûr. Il n’a jamais pardonné aux rebelles le non-respect, selon lui, des accords de Syrte signés en 2007 qui prévoyaient un armistice, un cessez-le-feu et l’intégration des partis signataires dans la gestion des affaires de l’Etat. On y est bien loin aujourd’hui surtout quand le président tchadien martèle qu’il n’a ni poste, ni argent à distribuer. Il faut reconnaître que pour lui, toute ouverture rimerait avec diminution de la part du gâteau de la rente pétrolière et c’est là tout le problème tchadien : comment gérer un pays devenu pétrolier en distribuant les ressources équitablement et en n’excluant personne de la gestion du pays. Pour cela, il faut revoir la gestion démocratique de ce pays, sa gouvernance politique et économique. Déby n’est pas l’homme providentiel pour son pays. Il doit sa présence à la tête de l’Etat aux erreurs commises par ses successeurs et lui même. Et s’il n’y prend garde, il en sera lui-même victime. La légalité de son mandat ne souffre d’aucune discussion. Cependant, c’est à lui de travailler à être le président de tous les Tchadiens au lieu de travailler à préserver ses propres intérêts, ceux de ses soutiens internationaux qui n’ont d’yeux que pour les richesses du sous-sol. Eux qui seront toujours prêts à financer son armée et à l’appuyer militairement pour défendre son pouvoir. C’est la meilleure façon de prendre un pays en otage, de le verrouiller démocratiquement en ne lui offrant aucune chance pour l’alternance. Le discours de Sarkorzy sur la rupture avec la françafrique est déjà oublié. La France a fait du Tchad un pays stratégique avec une base militaire qui sert aujourd’hui plus que jamais, les intérêts des deux pouvoirs.
Par Abdoulaye TAO
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