mercredi 7 avril 2010

Génocide rwandais: questions sur le rôle de Paris

(La Libre 07/04/2010)
Kigali commémore le 16e anniversaire du début du génocide. Le témoignage d’un gendarme français soulève à nouveau des questions.
Silence et consignes incompréhensibles, choc face à l’horreur du génocide anti-Tutsi, qui fit un million de morts en 1994, dont une bonne partie de Hutus considérés comme "complices" : un ancien gendarme français raconte pourquoi il a désobéi au Rwanda, dans un témoignage qui suscite de nouvelles interrogations sur le rôle de la France, et qui paraît jeudi dans la revue "XXI".
L’adjudant-chef Thierry Prungnaud a été envoyé en juin 1994 au Rwanda dans le cadre de l’opération "militaro-humanitaire" Turquoise, lancée par la France trois mois après le début du génocide.
A la revue française "XXI", le gendarme explique qu’il connaît déjà ce pays pour y être venu en 1992 former la garde du président hutu Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat, le 6 avril 1994, fut le déclencheur du génocide. Dans ce témoignage, le gendarme ne lance jamais d’accusation et s’en tient aux événements qu’il a vécus.
A son arrivée, dans le cadre de Turquoise, Thierry Prungnaud est mis à la disposition du commandement des opérations spéciales qui dresse, selon lui, un ahurissant tableau de la situation. "Les Tutsis exterminent les Hutus. Nous sommes venus pour les protéger, mettre fin aux massacres. Mais nos forces sont encore insuffisantes pour jouer un rôle d’interposition", dit-on au gendarme.
A ce moment-là, le génocide des Tutsis par des Hutus extrémistes est presque achevé et Thierry Prungnaud progresse avec d’autres militaires dans l’ouest du Rwanda. Le 27 juin, il découvre un charnier dans un village, d’où tous les habitants tutsis semblent avoir disparu, sauf un homme muré dans le silence. C’est le révélateur pour le gendarme : "C’est un Tutsi. Ils ont tous été massacrés. On n’a rien compris !"
Les jours suivants, il affirme être empêché par sa hiérarchie de se rendre à Bisesero, où se cacheraient de nombreux rescapés tutsis. C’est alors qu’il désobéit. Arrivé le 30 juin à Bisesero, il voit "des morts partout dans les hautes herbes, certains encore tièdes". Alerté, le commandement dépêche hommes et hôpital de campagne.
Selon le rapport d’un officier consulté par la revue, une patrouille était déjà passée à Bisesero trois jours avant et avait estimé à "environ 2 000" les rescapés tutsis. Le 30 juin, l’armée française ne dénombre plus que 800 survivants, rapporte Thierry Prungnaud.
L’ultime espoir du gendarme : témoigner de ce qu’il a vu. Convoqué en octobre 1994 au ministère de la Défense, à Paris, il affirme qu’un général, dont il ne cite pas le nom, lui a dit: "Vous oubliez tout. Vous mettez tout à la poubelle."

(AFP)
Mis en ligne le 07/04/2010
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