(Afriscoop 20/04/2010)
(AfriSCOOP Analyse) — La tension est tombée à Bouaké, centre de la Côte d’Ivoire et fief de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (Fn). Les armes lourdes aperçues dans la ville baptisée en 2007 « Capitale de la paix » ont presque disparu. Comme par enchantement ! En tout cas, selon des témoignages concordants d’habitants joints par AfriSCOOP, les pick-up surmontés d’armes ne circulent plus dans la ville.
Retour à la normalisation à Bouaké. Les autorités de cette ville ont commencé la restitution des mobylettes mises sous scellée jeudi dernier.
L’ex-rébellion des Fn a commis un autre porte-parole, Félicien Sékongo, pour expliquer à nouveau les dispositions particulières en vigueur dans cette zone.
« Ces derniers temps, des rumeurs ont fait état de la présence à Bouaké de personnes infiltrées, en vue de la reprise des hostilités. Et, c’est cette situation qui a motivé les activités militaires du 15 avril dans toute la ville. Des sources affirment même que la guerre est imminente. Il n’en est rien ! Ces activités militaires ne sont que des contrôles de routine », a affirmé M. sékongo.
Toujours selon Félicien Sékongo, « l’action des éléments militaires vise à la sécurisation des populations à travers l’identification des taxis motos ».
L’ex-rébellion écarte toute éventualité de résurgence de la guerre : « Que ceux qui pensent que la reprise des hostilités pourrait faire avancer les choses se détrompent. Tout n’est possible que dans la paix. Alors qu’on évite de toujours vouloir cultiver l’esprit de guerre dans la pensée des Ivoiriens à travers des rumeurs »
Bluff ou réalité ?
De deux choses, l’une. L’ex-rébellion fait preuve d’un intérêt subite et bien curieux de se préoccuper des habitants de Bouaké. Sinon, des « contrôles de routine » nécessitent-ils l’usage d’aussi grands moyens de dissuasion ?
Bouaké étant sous contrôle, avait-on vraiment besoin de sortir l’artillerie lourde pour effectuer des vérifications de pièces afférents à la propriété des mobylettes ? Des patrouilles pédestres n’auraient-elles pas suffit ? Autant de questions, qui trottent foisonnent certainement dans les esprits des populations.
Les contrôles de routine n’attestent-elles pas la thèse de l’infiltration du fief de l’ex-rébellion ? Possible, puisque ce n’est pas la première fois dans l’histoire du siège depuis septembre 2002 de Bouaké que cet argument est brandi. En d’autres circonstances, l’ex-rébellion avait décidé de boucler sa zone, en fermant les corridors, hermétiquement protégés par des portails.
Si l’argument était fallacieux, comme il est démenti par les Forces Nouvelles, alors, l’ex-rébellion aura réussi un coup. Celui d’avoir mis à nue des velléités d’attaque de ses bases. Ou, d’avoir implicitement prouver combien il lui est crucial de se jeter dans l’encasernement de ses hommes.
Imaginons une seule fois que les Forces Nouvelles regroupe le gros de ses troupes dans des casernes. Comme le recommande l’accord complémentaire IV à l’Accord de Ouagadougou. Qu’adviendrait-il alors si un assaut était réel ? Il est bon de préciser que depuis deux mois (mars et avril), le camp présidentiel fait une pression monstre sur l’ex-rébellion afin qu’elle désarme. Les proches du Président Laurent Gbagbo sont même allés jusqu’à envisager la « démission » du Premier ministre, Guillaume Soro, secrétaire général des Fn.
Mais les ‘’hommes de Bouaké‘’ montrent patte blanche.
« Les Forces nouvelles, aux dires de Félicien Sékongo, sont en train de travailler pour sortir un chronogramme non seulement sur l’encasernement mais surtout sur le redéploiement total des services de douanes et autres administrations financières ».
Le 11 avril, le SG de l’ex-rébellion et le n°1 du Front populaire ivoirien (Fpi, au pouvoir) avaient pris l’engagement de relancer le processus électoral et celui de la réunification de la Côte d’Ivoire.
Piège de la Refondation ?
Il n’est pas incongru de penser que des mains obscures du camp présidentiel ont jeté l’opposition militaire dans un piège. Pousser l’ex-rébellion à l’erreur, en l’amenant à sortir ses armes, serait l’enjeu recherché par le camp Gbagbo encore désigné ‘’camp des Refondateur‘’. Il aurait ainsi démonté à la communauté internationale, et en l’occurrence à la mission d’évaluation du processus de paix envoyée par l’Onu, que l’ex-rébellion reste une menace. Cela, tant qu’elle n’a pas désarmé. En créant la psychose dans le nord du pays, le parti au pouvoir a réussi à imposer la thèse du désarmement avant l’élection présidentielle. Une thèse qu’il s’est remis à défendre bec et ongles depuis le premier trimestre de l’année en cours.
Et puis, fait important, la réapparition à Bouaké des armes de guerre coïncide avec l’agenda de la mission onusienne présente à Abidjan depuis une semaine. Cette mission mettra en principe le cap sur la ‘’Capitale de la paix‘’. Les émissaires de la Maison de verre de New York ont déjà rencontré le président de la République, le Premier ministre, le président de la Commission électorale indépendante (Céi), le Représentant spécial du Facilitateur et les partis politiques. A Bouaké, où les envoyés de Ban Ki-Moon étaient censés être jeudi, ils auront probablement constaté un état de guerre.
Le camp présidentiel aura alors l’ex-rébellion dans le collimateur des Nations Unies. Pour le reste, le regroupement des ex-combattants Volontaires pour l’armée nouvelle (Van), l’encasernement des militaires des Forces armées des Forces nouvelles (Fafn) constituent le gros du dossier lié au désarmement. Ce dossier réunit les états-majors des Forces de défense et de sécurité (Fds) et des Fafn. Jeudi, le ministre de la Défense Michel Amani N’Guessan recevant les deux parties a été témoin du plan de désarmement arrêté par les ex-belligérants.
L’encasernement, selon des sources militaires, démarrera par la région militaire de Korhogo. Elle sera en quelque sorte une ville expérimentale, puisque les militaires ont promis y réussir l’encasernement, avant de l’étendre à d’autres régions.
Sur le plan national, une étape de vaste sensibilisation est prévue, après laquelle suivra le dépôt libre d’armes à feu pour ceux qui en disposent, avec ou sans permis, puis viendront les perquisitions inopinées.
mardi 20 avril 2010 par Seraphin KOUASSI,
© Copyright Afriscoop
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire