(Soir Info 22/04/2010)
« L’Udpci a vendu des actes de naissance de personnes décédées à des Guinéens ».
M. Alphonse Douati, 55 ans, Ingénieur agronome et Docteur ingénieur, a été Ministre de l`Agriculture et des Ressources animales, Ministre chargé des Relations avec le Parlement et les autres Institutions. Il est aujourd’hui Ministre de la Production animale et des ressources halieutiques. Secrétaire national du FPI chargé des fédérations de la région des Montagnes (depuis 1999), il assure les fonctions de Directeur de campagne départemental de Laurent Gbagbo à Biankouma. C’est à ce titre qu’il s’est ouvert à nous. L’une des rares fois qu’il accorde une interview à la presse nationale... Monsieur le ministre Alphonse Douati, quelle est votre histoire avec le FPI (Front populaire Ivoirien) votre parti. Etes-vous un militant de la première heure ou un militant de la dernière pluie ? Alphonse Douati. Mes rapports avec le FPI remontent à 1990. Véritablement, je n’ai pas fais la clandestinité. Je suis un militant de Gauche. Toute ma vie scolaire et universitaire, je suis resté militant de Gauche. Depuis la classe de 3ème, je n’ai jamais compris ce que le Meeci (Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire) nous apprenait. Ce sont feus Jean-Marie Adiafi et Zokro Léon (mon ancien proviseur du Lycée de Daloa) qui ont véritablement forgé ma conviction d’homme de Gauche. Dans ce Lycée, nous étions avec des hommes comme Déhé Gnahou (actuel Député de Duékoué). Etudiant, j’ai milité activement dans l’Unesci et j’ai dirigé la section du Benelux en tant que secrétaire général permanent. Ce groupe a été constitué parce que nous ne voulions pas rentrer au Pdci-rda... Donc, j’ai eu une formation de Gauche. Comment êtes-vous entré au FPI ? Alphonse Douati : (...) D’abord, j’ai décidé d’observer la pratique d’Houphouët-Boigny après le retour du pays au multipartisme en 1990. Mon observation se basait sur l’attitude que le président Houphouët allait avoir à l’égard de tel ou tel parti politique... Les manifestations organisées par le FPI à Bonoua, Grand-Morié, Korhogo, ont fait l’objet de répression. L’armée était déployée fortement. A Korhogo, où j’étais en fonction, ça été particulièrement difficile. Mon opinion s’est tout de suite faite. Je me suis dis si Houphouët-Boigny s’acharne tant sur le parti de Gbagbo, cela veut dire que c’est le parti de l’opposition le plus crédible. C’est ainsi que j’ai pris la décision de militer au Fpi. Au début étant fonctionnaire de l’Etat et travaillant dans un organisme avec des financements extérieurs, les camardes du parti ont demandé que je reste dans la clandestinité. Le débat s’est engagé entre eux et moi. Quand le Secrétaire général du parti (Laurent Gbagbo) est venu à Korhogo je lui ai posé le problème, à savoir que je n’acceptais pas de rester dans la clandestinité et que je voulais militer au grand jour. C’est-à-dire à visage découvert. A cette époque, le parti était dirigé à Korhogo par Gbalou Lida Lambert (actuellement en poste à Rome) et le ministre Lazare Koffi Koffi. Le Secretaire général du parti (le président Laurent Gbagbo) a dit que c’est moi qui avais raison. Parce que, avait-il dit, si je restais dans la clandestinité et que le Pdci me frappait dans cette clandestinité, comment le parti allait-il réagir pour organiser la solidarité autour de ma personne. Il m’a donc demandé de savoir gérer ma situation administrative et politique. Ce choix n’a certainement pas été sans conséquence ? Alphonse Douati. Loin s’en faut. Parce que par la suite, le gouvernement a décidé d’organiser un séminaire sur les conflits agriculteurs éleveurs. Etant vétérinaire à Korhogo, naturellement, je suis dans la commission gouvernementale. Mais, au même moment, le président du Fpi avait décidé d’organiser un séminaire sur (pratiquement) le même thème. Il avait décidé avant le gouvernement. Etant militant à visage découvert, je ne pouvais que travailler aussi pour mon parti. Il s’est avéré que le séminaire du Fpi s’est déroulé avant celui du gouvernement, pour des questions purement de programme. Et j’ai été accusé d’avoir pris les documents gouvernementaux pour les mettre à la disposition du Fpi. Cela m’a valu ma mutation de Korhogo pour être d’abord proposé à Abengourou. Comme je travaillais avec des Allemands, qui, disaient-t-ils, avaient beaucoup investi dans ma formation, ont estimé que cela pouvait être un antécédent dangereux pour les populations. Un compromis a été trouvé et il a été je vienne à Abidjan en qualité de sous-directeur. Mais j’ai aujourd’hui des documents qui montrent que ma nomination dans les fonctions de sous directeur a fait l’objet d’une délibération en Conseil des ministres. En principe, dans la gestion administrative, un sous-directeur, on le nomme par arrêté ministériel. Mais avant de prendre cet arrêté, le ministre Lambert Kouassi Konan avait jugé bon d’informer le gouvernement. A Abidjan, le président Gbagbo m’a fait appel à son cabinet pour me confier le poste chargé de l’agriculture. Par la suite, il m’a envoyé sur le terrain en qualité de secrétaire national chargé des fédérations de l’ouest. C’est-à-dire le Moyen cavaly et la région des Montagnes. Aujourd’hui, je suis secrétaire national en charge de l’élevage et de la pêche. Je précise que je n’ai pas fait la clandestinité. J’ai plutôt fait une clandestinité d’opinion qu’une clandestinité active dans le parti. Quelle est la situation du Fpi à Biankouma aujourd’hui ? Alphonse Douati : La fédération du Fpi à Biankouma, de façon objective, se porte très bien. Le secrétaire général, M. Sopouba Diomandé est résident aujourd’hui à Biankouma. Il est doté d’un véhicule de type 4X4 et dispose des motos. J’ai contribué, modestement à sa mobilité. De 10 sections au départ, nous sommes à 23 sections aujourd’hui qui fonctionnent normalement. 17 des 23 sections sont équipées de motos et les animateurs sont tous en place. Pour ce qui est des six autres sections, les engins sont acquis. Le fédéral est très actif. Au niveau de la Jfpi, le secrétaire travaille sans relâche... En ce qui concerne l’Offpi, l’élection de la nouvelle présidente est à l’ordre du jour, parce que l’ancienne présidente a fait défection, pour des raisons personnelles. Donc, le Fpi, en tant que parti, fonctionne très bien dans le département de Biankouma. Comment se fait la cohabitation entre les militants du Fpi et les Forces nouvelles ? Alphonse Douati : Dès les premières heures de la rébellion dans la région, ils ont clairement déclaré qu’ils étaient venus venger, feu le général Robert Guéi. Mais très vite à Biankouma, on s’est rendu compte que la première maison qui a été saccagée est celle du général Robert Guéi. C’est vraiment paradoxal. Et il s’en est suivi des exactions sur lesquelles je ne veux pas revenir ici. Pratiquement, tous les militants du Fpi étaient sortis de cette zone. Aujourd’hui, la situation est calme. Elle est policée. Le Fpi mène ses activités sans beaucoup d’entraves et les Forces nouvelles de leur côté. Lors des dernières manifestations du Rhdp à Biankouma, il faut le dire, les Forces nouvelles ont pris position pour la République. A Biankouma, en tout cas, les Forces nouvelles ont pris position pour la République. Elles ont dit clairement, au cours des réunions publiques, aux populations qu’elles protègent les édifices publics et privés. Ma résidence qui était menacée d’être brulée, les Forces nouvelles l’ont protégée. La situation est donc calme à la grande satisfaction des populations. Nous sommes, aujourd’hui, en train de bâtir une cohésion autour de la région. Relativement à la fraude sur la liste électorale liée à l’inscription des étrangers, quelle est la situation à Biankouma ? Alphonse Douati : A Biankouma, très tôt, au début de la guerre, nous savions que beaucoup d’étrangers se sont installés à Biankouma. Dès que le processus a commencé, avec les audiences foraines, nous avons commencé la sensibilisation avec les chefs de villages et de communautés. Ensuite nous en sommes arrivés à l’enrôlement. Biankouma est une zone frontalière, notamment, au niveau de Sipilou. Et nous avons été malheureux de constater que certains partis politiques ont favorisé la vente des dossiers de personnes décédées. Ce parti a favorisé la fraude. Quels sont ces partis politiques, soyez plus concret ? Alphonse Douati : Je suis formel. Il s’agit de l’Udpci (Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire) d’Albert Mabri Toikeusse. L’Udpci a vendu des actes de naissance des personnes ivoiriennes décédées à des Guinéens. Ce qui intéressait les Guinéens, ce n’était pas les élections, mais avoir des papiers pour circuler facilement entre la Côte d’Ivoire et la Guinée. Avez-vous les preuves de ce que vous dites ? Alphonse Douati : Bien sûr que oui. Nous ne pas parlons en l’air. Lors des croisements faits par l’Ins, beaucoup de ces personnes ont été prises dans l’engrenage. Ils ont avoué avoir été recrutés par l’Udpci. Le bétail électoral guinéens de l’Udpci a été démasqué. Si bien qu’aujourd’hui beaucoup d’entre eux ne savent pas que les papiers qu’ils ont ne sont plus valables pour leur permettre de devenir Ivoiriens. Mais en dehors de cela, il y a environ une centaine de personnes qui ont réussi à passer aux travers des mailles des filets. Biankouma a quatre composantes ethniques. Les Dans (Toura et Yacouba), une minorité de Wê et une composante Malinké. Les Mahou de Biankouma qui constituent un canton n’acceptent pas du tout que des Maliens ou Guinéens viennent les spolier de leur nationalité. Beaucoup de Guinéens, enrôlés par l’Udpci ont donc été recalés au niveau de Biankouma. Par contre, l’opération « Mambé » est arrivée à Biankouma. L’informaticien de la Cei venu d’Abidjan avait commencé, la nuit, à introduire ces personnes sur la liste quand il a été découvert par l’informaticien de la Cei locale, qui, lui, est beaucoup plus outillé techniquement que celui envoyé par Mambé Beugré. C’est ainsi que l’opération a échoué. Quel est votre bilan politique, en tant que DDC de Gbagbo sur le terrain ? Alphonse Douati : Après l’accord de Ouagadougou, j’ai décidé de prendre des engagements avec mes parents. Le 22 septembre 2007, je me suis rendu à Biankouma, où sur les 135 chefs de villages, 120 ont fait le déplacement pour venir à cette grande rencontre. Ceux qui ne sont pas venus se sont fait représenter. Et nous avons pris des engagements réciproques. Je leur ai dit ce que je pensais et ce que je comptais faire. Je leur ai demandé s’ils acceptaient de me suivre. Ils ont dit oui. Je leur ai dit, aussi, clairement que la personne qui me permettait de réaliser ces choses-là, à leur endroit, c’est le président Gbagbo. Ils m’ont dit « on accepte Gbagbo » et on va « essayer avec toi ». A partir de ce moment, nous avons commencé par la santé. Parce qu’après la guerre, les besoins sont certes nombreux, mais la priorité doit être accordée à la santé. J’ai pris sur moi un minimum pour équiper et réhabiliter l’hôpital général de Biankouma. Ensuite, j’ai organisé une opération sanitaire d’envergure qui a consisté à faire opérer des personnes qui souffraient d’hernie dans la région. Beaucoup de parents souffraient d’hernie dans la région. On se pose des questions sur ce phénomène... Nous avons fait appel à des médecins originaires de Biankouma, en particulier le Dr Soumahoro. Au moins 200 personnes ont été opérées, gratuitement, par une équipe médicale que nous avons mobilisée et financée. Nous procédons, régulièrement, à la réhabilitation et à l’équipement des infrastructures sociales, notamment, scolaires, sanitaires et routières. C’est ainsi que nous avons reprofilé certaines pistes villageoises et des infrastructures, de l’hydraulique villageoises ect. Il y aussi un volet réarmement moral... Tout se fait sur fonds propres. Sur les 135 villages qui composent le département de Biankouma, nous avons déjà visité 103 dans lesquels nous avons fait des dons en nature et en espèces. Au cours de nos visites, nous offrons des semences de riz, de maïs, des décortiqueuses, des équipements sportifs. Nous avons tenté d’organiser la jeunesse dans un forum, afin qu’elle se prenne en charge. Nous faisons également des dons en numéraires aux femmes afin qu’elles puissent se prendre en charge. Au plan infrastructurel, nous avons remis en état des pistes villageoises dans le département. Que font le Conseil général et la Mairie. Vous n’êtes pas en train de dire que ces deux structures ont abandonné les populations ? Alphonse Douati : Le chef de l’Etat a mis en place des structures comme le conseil général, mais le constat est que quand j’arrive, les populations me posent des problèmes qui relèvent de la compétence du conseil général. Ce sont des problèmes qui, à mon sens, auraient pu être réglés par ces institutions. Ce n’est pas par plaisir que les populations posent ces problèmes. Ce sont des problèmes réels auxquels elles sont confrontées au quotidien. Mais, en tant que fils de la région, je ne peux pas me dérober. Je ne peux pas les laisser dans le dénuement. Mes actes couvrent tout le département de Biankouma. Je ne peux pas leur dire d’aller voir le conseil général, qui, le moment venu, aura son bilan à faire. Si je dois aller dans un village qui compte un gros électorat et qu’il n’y a pas de route, je prends sur moi les moyens pour refaire cette route. Moi, à titre personnel, quand je vois une population désœuvrée, je prends en compte les besoins de cette population. Il y a même des villages qui sont dans le périmètre communal et qui ont des problèmes de voiries. Si je peux, je les règle, selon mes possibilités. Si les besoins dépassent mes moyens, je m’adresse au président de la République. Tout ce que je fais, c’est à titre personnel. Je ne peux pas laisser mes parents dans le dénuement total. Pour moi, la richesse, c’est le partage. C’est pourquoi je ne suis pas riche. Les populations me posent quotidiennement des problèmes de route. Devant de telles sollicitations, je ne peux pas rester insensible. A ma dernière visite, j’ai fait un don d’environ 10 millions de Fcfa à mes parents. Je pense que ce n’est rien au regard de ce que le président de la république nous permet d’être... Les cantons Gan et Thès que j’ai visité en dernier, à eux seuls, font le tiers de l’électorat de Biankouma. Et les populations rencontrent des problèmes de route. Ils disent même qu’ils prennent leurs enfants dans des brouettes quand ils sont malades. Devant de telles sollicitations, je ne peux que réagir. A combien est estimée la population électorale de Biankouma ? Alphonse Douati : Le dernier recensement donne 48.000 votants. Que sont devenues les promesses faites aux populations par le chef de l’Etat lors de ses déplacements dans ce département ? Alphonse Douati : Le président de la République a donné 14 nouvelles communes, 8 nouvelles sous-préfectures. Il est en train de réhabiliter le tronçon Biankouma-Sipilou. Il a son bilan qui plaide largement en sa faveur. Mais, la manière avec laquelle il a abordé les obsèques du général Robert Guéi, lui donne une avance de 50 % sur ses adversaires.
La suite dans notre édition de demain.
• jeudi 22 avril 2010 par Armand B. DEPEYLA
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