mercredi 6 octobre 2010

R.D.C. - La justice au Congo-Kinshasa est-elle possible ?

(Courrier International 06/10/2010)

Un rapport des Nations unies sur les violations les plus graves des droits de l'Homme commises en République Démocratique du Congo (RDC) de 1993 à 2003 dresse un effroyable inventaire de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide.
Comme l'indique son nom en swahili, Congo Siasa est un blog qui traite de la politique en RDC. De l'avis de son auteur Jason Stearns, expert universitaire qui a travaillé pendant huit années sur les conflits dans ce vaste pays d'Afrique centrale, politique en RDC rime avec tribulations. Sa chronique, lancée en octobre 2009, fait preuve d'une analyse exigeante de réalités complexes.
Evidemment, Congo Siasa a suivi avec attention la réalisation du Projet Mapping des Nations unies qui s'est achevé par la remise d'un rapport de plus de 500 pages sur les atrocités perpétrées entre mars 1993 et juin 2003 en RDC. C'est le fruit d'une enquête menée sur le terrain d'octobre 2008 à mai 2009 par une équipe de spécialistes des droits de l'homme mandatée par les Nations unies. Outre la liste non exhaustive de plus de 600 incidents violents, décrits et répertoriés « de façon chronologique et province par province », le rapport élabore une évaluation du système judiciaire en RDC dans la perspective de rendre justice aux victimes.
Avant même d'être rendu public, ce 1er octobre, le rapport suscita des tensions diplomatiques dans une région d'Afrique centrale particulièrement trouble. Et pour cause, il risquait d'impliquer dans les crimes les plus graves perpétrés en RDC certains pays voisins. Le Burundi, l'Ouganda et le Rwanda l'ont officiellement condamné. Les deux derniers ont menacé de retirer leurs troupes des contingents de maintiens de la paix.
Stearns se félicite que ces pressions n'aient pas réussi influer la teneur du rapport final, notamment concernant la qualification de génocide pour certains crimes. Il se félicite également de l'attitude des autorités congolaises favorables à ce que la justice soit rendue. Cette tâche est d'autant plus ardue pour le président Kabila qui s'est engagé avec ses voisins, à l'instar du Rwanda, dans un processus de rapprochement basé sur des « relations fraternelles ». Difficile de concilier diplomatie et justice.
Mais « que faut-il attendre de tout cela ? Y aura-t-il un tribunal spécial pour juger les crimes décrits dans le rapport ? », se demande Stearns. « Les associations de défense des droits de l'homme tentent de persuader [Kinshasa] de ne pas demander un tribunal international - ce qui serait long et coûteux -, mais plutôt de suivre la recommandation du rapport de créer un tribunal spécial sous juridiction congolaise, qui serait plus respectueux de la souveraineté nationale ».
Reste que pour Stearns, «il n'est pas évident qu'un tel tribunal puisse être à la fois indépendant et sous juridiction congolaise. Cette voie a été suivie par d'autres tribunaux - au Kosovo, au Timor Oriental et en Sierra Léone - avec des succès mitigés».

Philippe R.
http://leblogdesblogs.blogs.courrierinternational.com/archive/2010/10/05/la-justice-au-congo-kinshasa-est-elle-possible.html
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