samedi 11 septembre 2010

La Namibie au banc des accusés pour la stérilisation forcée de séropositives

(L'Orient- Le Jour 11/09/2010)
Éclairage. Un procès intenté par trois victimes est le premier du genre sur le continent africain.
Tordue de douleur à cause des contractions pendant son accouchement, une Namibienne séropositive a signé un document sans trop savoir de quoi il retournait. Cinq ans après, elle poursuit l'État pour stérilisation forcée. Le procès est le premier du genre sur le continent.
Avec deux autres femmes, également porteuses du virus du sida, la plaignante, dont l'identité est protégée pour éviter de nouvelles discriminations, a entamé un procès pour « traitement cruel, inhumain et dégradant » devant le tribunal de Windhoek dont les audiences sur le fond sont en cours depuis deux semaines. « J'étais en plein accouchement dans un hôpital public quand une infirmière m'a montré un papier et m'a dit que je devais signer pour autoriser une césarienne », a déclaré cette femme à la barre, avec l'aide d'un interprète. « Je ne savais pas que c'était aussi pour me stériliser », a poursuivi cette mère de sept enfants, âgée de 44 ans. Elle a réalisé son état après avoir surpris une conversation entre deux infirmières dans un couloir de l'hôpital. Elle a alors compris avoir été stérilisée en raison de sa séropositivité. Au total, seize Namibiennes poursuivent leur gouvernement pour des faits similaires et réclament chacune 1,2 million de dollars namibiens (165 000 dollars américains). Le procès à l'instigation des trois premières plaignantes s'était ouvert en juin, avant d'être reporté pour des questions de procédure. L'audition des témoins devrait s'achever aujourd'hui. Les 13 autres procédures devant les tribunaux auront lieu ultérieurement.
Mais le phénomène pourrait avoir été beaucoup plus large : trois associations ont compilé les cas de 40 femmes qui disent avoir eu les trompes ligaturées ou l'utérus retiré à leur insu, dans deux hôpitaux publics de la capitale et un à Oshakati. La liste a été présentée en août 2008 au ministère de la Santé qui a répondu par une fin de non-recevoir. Pour le gouvernement, ces femmes ont signé les autorisations. Point final. « Toutes les femmes qui ont subi une césarienne et une stérilisation ont signé les formulaires adéquats avant leur opération », déclarait en 2009 le ministre de la Santé, Richard Kamwi. Sauf que les signatures ont été obtenues sur un lit d'hôpital. « Signer une déclaration pour être stérilisée pendant l'accouchement n'est pas valide », a déclaré Matti Kimberg, une gynécologue désignée comme experte lors du procès.
Les victimes sont « formelles », a également assuré Priti Patel, du Centre de médiation juridique d'Afrique australe : « Elles ne savaient pas qu'elles pouvaient dire non à la stérilisation ». Pour lui, « ce procès porte sur la notion de consentement éclairé. Il montre combien il est important pour les patients traités dans les hôpitaux publics d'être bien informés sur les différentes options avant de prendre une décision. »
Un autre enjeu du procès est la non-discrimination des séropositifs dans un pays où 15 % des personnes entre 15 et 49 ans sont porteuses du virus du sida et où la maladie reste un énorme tabou. « La loi dit que nous devrions tous être traités de manière égale », a déclaré Veronica Kalambi, du Réseau pour la santé des femmes namibiennes. « Cela signifie que les gens qui vivent avec le virus du sida doivent avoir les mêmes droits que tout le monde, y compris le droit de fonder une famille », dit-elle.
Christine PETERS (AFP)
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