jeudi 4 avril 2013

Cameroun : le cacao à l'étude des indications géographiques (PAPIERGENERAL)

(Xinhuanet 04/04/2013) Motivées par les progrès enregistrés pour le poivre de Penja dans la région du Littoral et le miel d'Oku au Nord-ouest avec le concours de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), les autorités camerounaises intensifient la réflexion sur la mise en place d'indications géographiques protégées (IGP) dans la production du cacao.
Cinquième producteur mondial derrière la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Brésil et le Nigeria avec une production estimée à quelque 230.000 tonnes lors de la saison 2011-2012, le Cameroun entend tirer profit d'une série d'atouts déclarés de son produit pour en faire une référence commerciale internationalement reconnue et générant de substantielles dividendes financières.
« Le cacao camerounais a beaucoup d'atouts. Il y a essentiellement le fait qu'il est produit pour certains cas par du matériel végétal ayant pour ancêtre du matériel « Criollo » ou du matériel « Trinitario », donc un cacao qui a des spécificités en termes de flaveur, de couleur, d'arômes, des spécificités recherchées par les chocolatiers », a noté à Xinhua Pierre Etoa Abena, expert de la filière.
« Ayant ces spécificités-là, il n'est pas normal que ce cacao soit vendu comme du cacao commun, à un prix où nos parents ne trouvent pas leur compte », a-t-il poursuivi. « Les indications géographiques pour nous donc, c'est le meilleur moyen de redonner à ce cacao sa vraie identité et de bien rémunérer l'effort qui est fait par ces producteurs pour faire de la bonne qualité ».
C'est l'un des axes de réflexion d'un forum national sur la qualité du cacao organisé mardi et mercredi à Yaoundé, à l'initiative du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, à la suite d'un festival national du cacao « Festi-cacao » et une conférence internationale sur l'industrie cacaoyère organisés en novembre 2012 par le ministère du Commerce.
Cultivé par quelque 600.000 planteurs dans sept bassins de production (les régions du Centre, de l'Est, du Littoral, du Nord- ouest, de l'Ouest, du Sud et du Sud-ouest), le cacao camerounais représente environ 30% des exportations nationales, d'après les statistiques officielles. A 5% à peine de transformation locale, les fèves produites sont essentiellement orientées vers l'exportation.
Premier partenaire commercial du pays, l'Union européenne (UE) est le principal marché d'exportation de ce cacao. A eux seuls, les Pays-Bas en absorbent entre 85 et 90% des volumes exportés, selon des sources officielles.
DES DEFAUTS EN PLUS DES QUALITES
A en croire Michelle Akamba Ava, directeur du contrôle de qualité à l'Office national du cacao et du café (ONCC, organisme gouvernemental basé dans la métropole économique Douala), c'est un produit très apprécié des utilisateurs en raison, tout d'abord, de la grosseur de ses fèves, qui permet d'obtenir un pourcentage élevé de beurre.
« La deuxième qualité, c'est le grainage qui est stable et fort. Pour 100 grammes de cacao, on a 100 fèves, alors qu'en Côte d'Ivoire ils vont jusqu'à 120 fèves pour 100 grammes. Il y a aussi la couleur rouge brique qui est vraiment recherchée par les industriels », a par ailleurs mentionné à Xinhua cette responsable administrative.
Conforté par de tels atouts commerciaux, le Cameroun aurait pu tirer un énorme avantage de son produit. Ce n'est pourtant pas le cas. « Malheureusement, nos utilisateurs de produit ont relevé plusieurs défauts sur la fève camerounaise. Le premier, c'est l'odeur de fumée, c'est un défaut rédhibitoire. Un sac de cacao contenant l'odeur de fumée est en mesure de contaminer 500 sacs de cacao », déplore Akamba Ava.
A déplorer aussi, un taux de moisi élevé. « Pour le « feve fermented » par exemple, la Côte d'Ivoire est à 5% du taux de moisi, quand nous sommes à 10%. Les deux produits sont classé « feve fermented », mais le cacao d'origine Cameroun est moins bien payé, parce que le nombre de défauts est beaucoup plus élevé », indique encore le directeur du contrôle de qualité de l'ONCC.
Last but no least, les clients du cacao camerounais se plaignent en outre d'un taux d'humidité excessif, en plus d'une amertume assez élevée. Sans compter non plus un goût de jambon moisi, dû à une fermentation trop poussée. « La fermentation doit se passer pendant cinq ou sept jours. Quand nous allons à plus de sept jours, nous avons ce défaut », explique Michelle Akamba Ava.
Les experts reconnaissant que les planteurs camerounais savent produire un cacao de qualité. La faute, de l'avis des participants au forum national sur la qualité du cacao, c'est aux acheteurs qui, à défaut de faire eux-mêmes un mélange préjudiciable de produit de bonne qualité et de qualité discutable, poussent les planteurs à violer les prescriptions techniques.
Conseiller technique au ministère de l'Agriculture, Rabelais Yankam Ndjonou est formel : « Aujourd'hui, il y a des menaces qui pèsent sur le cacao camerounais sur le marché international. Il y a deux principales menaces. Il y a la menace de refoulement de nos produits, il y a la menace de décote. Ces menaces existent parce que la qualité de notre cacao est en train de prendre un coup ».
Ce produit fait pourtant face à un marché international de plus en plus exigeant. En ligne de mire par exemple, l'entrée en vigueur en 2020 d'une nouvelle règlementation de l'UE en matière de métaux lourds dans le cacao et d'autres normes.
SE REPOSITIONNER SUR LE MARCHE
« Il est important pour nous de prendre le taureau par les cornes à partir d'aujourd'hui pour nous repositionner sur ce marché. Même si nous devons diversifier nos marchés, en allant vers les pays émergents, il est important de respecter la qualité, parce que la qualité des fèves détermine la qualité des produits finis, la qualité du chocolat », professe alors Yankam Ndjonou.
Un objectif de 600.000 tonnes de production annuelle est recherché à l'horizon 2020. Depuis le début des années 2000, la recherche s'emploie à développer de nouvelles variétés de cacaoyer plus productives et résistantes aux aléas climatiques. Ce sont des variétés à la fois hybrides (le Trinitario, issu du croisement entre le Criollo dit cacao noble et le Forastero) et clonales.
De l'avis de Bruno Efombagn, chercheur en service dans cet organisme étatique, l'Institut de recherche agricole pour le développement (IRAD) recense actuellement « une centaine de variétés qui sont à l'essai et pour lesquelles on a environ 10 à 15% qui donnent des informations intéressantes sur l'aspect organoleptique. Ces variétés sont en cours de diffusion en milieu paysan ».
« On a une carte pédoclimatique de la production au Cameroun qui peut servir également à la production cacaoyère, notamment en permettant d'implémentation les systèmes d'information géographiques ciblées sur la qualité », fait en outre savoir Efombagn.
Dans le cadre de son Projet d'appui à la mise en place d'indications géographiques dans les pays membres, financé à 5 millions d'euros par l'Agence française de développement (AFD) et portant sur quatre produits pilotes dont le miel d'Oku et le poivre de Penja, les toiles de Korogho en Côte d'Ivoire et le café Ziama en Guinée, l'OAPI encourage la réflexion sur ce cacao qu'elle estime à fort potentiel.
Trois sites pilotes sont répertoriés : Nkondjock dans le Littoral, le Mbam-et-Inoubou dans le Centre et Tonga à l'Ouest. « On se rend compte que ce sont des zones qui ont quelque à apporter en termes de guide pour faire la bonne qualité et en s'inspirant de ce qui a été fait dans ces zones-là en termes de matériel végétal, d'encadrement et de production, il y a de fortes chances de réaligner notre production dans le bon sens », affirme Pierre Etoa Abena.

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