lundi 13 septembre 2010

Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Sénégal -Comment l’Afrique de l’Ouest est gangrenée par l’émergence de petits "royaumes narcos"

(La Libre 13/09/2010)
Dans un livre inquiétant, l’ancien correspondant de RFI dans la région, Christophe Champin, décrit la menace que le trafic de drogue fait peser sur les Etats.
Ce que les observateurs de l’Afrique craignaient est arrivé au tournant du siècle : profitant de la faiblesse des Etats locaux, les cartels latino-américains de la drogue ont investi l’Afrique de l’Ouest.
Sa situation - proche de l’Europe - est en effet idéale pour y faire transiter la cocaïne colombienne avant de la transporter vers cet important marché. Le peu de contrôle des Etats locaux sur des territoires immenses de leur pays facilite le stockage de la drogue dans des endroits qui deviennent peu à peu de véritables petits royaumes "narcos". L’absence de système judiciaire digne de ce nom permet aux trafiquants arrêtés de ne jamais rester en prison. La corruption des élites et des forces de l’ordre ouest-africaines permet d’échapper aux services antidrogue occidentaux et de mettre facilement de l’huile dans les rouages de cette meurtrière machine commerciale.
Christophe Champin, ancien correspondant de Radio France Internationale dans la région, raconte dans un livre inquiétant comment les "narcos" colombiens et leurs sous-traitants vénézueliens ont déjà gangrené la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée-Conakry et, plus récemment, le Mali, devenus des plaques tournantes du trafic. Mais "en réalité, c’est toute l’Afrique, du nord au sud, qui est concernée", avertit notre confrère, pour qui "le risque que des réseaux criminels internationaux influent sur l’avenir politique de certains Etats est réel".
L’Afrique, en particulier celle du Nord, cultive du cannabis depuis des siècles; la production continentale est estimée à 8 900 tonnes par an. En Afrique subsaharienne, la marijuana est cultivée depuis très longtemps en vue d’une consommation locale. Le trafic des drogues dures, note Champin, a commencé par l’héroïne d’Afghanistan dans les années 1980, enrichissant des centaines de passeurs, principalement nigérians, qui l’amenaient en Europe par des vols commerciaux.
C’est au début des années 2000 que le trafic de cocaïne latino-américaine a explosé, rendu visible par la hausse des prises policières, mais aussi par les voitures de luxe, les restaurants et les hôtels de haut standing jamais vus auparavant dans de petites capitales longtemps endormies sous le soleil comme Bissau, Conakry ou Banjul.
En 2007, l’agence de l’Onu contre la drogue et le crime (ONUDC) a ainsi pu lancer ce cri d’alarme : "L’Afrique de l’Ouest est menacée", tandis que certains services antidrogue européens soupçonnent les mouvements islamistes comme l’AQMI (al Qaeda au Maghreb islamique) de toucher leur dîme sur le passage des chargements de cocaïne à travers le Sahel.
L’Afrique regorge de jeunes pauvres. "Même s’il faut se garder de jeter l’opprobre sur tout un continent", note Champin , "il faut bien reconnaître que les groupes criminels n’ont aucun mal à trouver des candidats au transport de la cocaïne vers l’Europe; aucun mal à créer des sous-réseaux de distribution s’étendant jusqu’aux banlieues de villes européennes; aucun mal à calmer les ardeurs des importuns, policiers, magistrats, voire politiques, tant leur puissance financière est forte".
Christophe Champin, "Afrique noire, poudre blanche", Bruxelles, Ed. André Versaille, 160 pp., env. 17 €.

MFC
Mis en ligne le 13/09/2010
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