jeudi 8 avril 2010

Niger - Restauration de la mécanique démocratique

La restauration de la démocratie est véritablement en marche au Niger. Comme promis, la junte a installé mercredi à Niamey le tout nouveau Conseil consultatif national. Mais, vu la faiblesse des hommes, quelle garantie que les vieux démons ne vont pas resurgir ? Dans le contexte du Niger d’aujourd’hui, grandes doivent être les aspirations des populations.
Les futurs membres du Conseil consultatif national ne l’ignorent pas. Eux qui devront doter le pays de nouvelles institutions. Outre la nouvelle Constitution, le Conseil devra mettre en place la charte des partis politiques, le code électoral et le statut de l’opposition. La tâche s’avère donc immense, très délicate même pour les autorités en charge de la transition. C’est peu dire que le choix des hommes chargés d’animer et de conduire la caravane à bon port sera déterminant.
La junte semble avoir choisi de privilégier des personnalités s’étant réellement investies dans la lutte contre le pouvoir autocratique de Mamadou Tandja, de triste mémoire. La désignation de personnes d’une telle trempe, est considérée comme étant de bonne augure. Cela est d’autant plus important qu’il faudra revoir et corriger la Constitution pour mettre le pays à l’abri de toute surprise. Ainsi, le Conseil consultatif sera dirigé par Marou Amadou, président du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie (FUSAD), un regroupement d’ONG et de syndicats. Cet homme a la particularité d’avoir été plusieurs fois interpellé par le régime de Tandja pour son opposition au Tazartché. Il jouit d’une bonne crédibilité. Cette nomination s’ajoute au fait d’avoir reconduit dans ses fonctions, "la dame de fer" qui avait été évincée de la tête du Conseil constitutionnel sous le précédent régime. Elle s’était fermement opposée aux ambitions boulimiques du dictateur. Son itinéraire réhabilite le rôle dévolu à la femme africaine : incarner et perpétuer des valeurs positives, et non monnayer son corps et son âme dans des actions de mobilisation pernicieuses. L’espoir est permis d’autant que les personnalités choisies n’ont en rien marchandé leur nomination. Il est même rassurant de les voir impliquées dans la gestion de la transition. De tels crans, l’Afrique en a besoin pour mettre fin aux ambitions démesurées des princes africains. Reste à savoir si les personnes en question sauront garder le même esprit que celui qui les a animés durant la longue lutte contre Tandja et consorts ?
Jusque-là, la junte semble bien décidée à respecter sa feuille de route. Toutefois, des questions se posent, en rapport avec les réalités de nos Républiques bananières. Le Niger est-il sauvé de l’égarement ? Parviendra-t-on à verrouiller la Constitution de la nouvelle République ? Quelles autres clauses pourront empêcher toute modification de la Constitution dans le sens de la limitation des mandats ? Que faire face aux intrigues qui se multiplient en cours de mandat pour maintenir à tout prix le régime en place ? Comment mettre le pays à l’abri des tiraillements quand sonnera l’heure de la bataille, c’est-à-dire à l’approche des élections ? Comment soustraire le Niger d’une aventure du genre de celle connue avec le régime Tandja ? Travailler à jeter de bonnes bases et prendre le temps qu’il faut pour le faire, est donc fort utile. Bien s’assurer de la crédibilité des personnes autant que des structures chargées de gérer la transition est tout aussi impératif pour les Nigériens. Les acteurs politiques qui ont déjà été sévèrement tancés par la junte, devront donc faire preuve d’originalité et de crédibilité. Pourquoi ne pas prévoir des candidatures indépendantes afin de renouveler le personnel politique et donner de nouvelles chances à ce pays ? Peut-on vraiment prémunir l’Afrique de régimes conduits par des dirigeants gagnés par la boulimie et l’obsession du pouvoir ?
L’histoire montre que même lorsque des garde-fous existent, le système génère toujours des thuriféraires qui manipulent jusqu’aux gouvernants pleins de bonne volonté. Habiles manoeuvriers, ils n’hésitent pas à recruter parmi les constitutionnalistes les plus aguerris, des individus imbus d’eux-mêmes ou incapables de résister à l’appât du gain facile. Laissées à dessein ou pas, les failles sont alors vite trouvées, qui donnent alors l’opportunité d’entreprendre les modifications voulues. Il semble donc que la maturité et l’honnêteté de la classe politique dans son ensemble, soient les meilleurs garants du respect de nos Constitutions. Mais combien sont-ils dans l’Afrique d’aujourd’hui, ces acteurs politiques qui osent encore s’opposer à leur précieux géniteur ? Combien sont-ils encore à se soucier de l’importance de la désaffection des citoyens vis-à-vis de la chose politique à l’approche des élections ? Combien sont-ils, ces acteurs politiques encore déterminés à faire violence sur eux-mêmes et à lutter pour faire respecter des principes chers à l’avancée de la démocratie sur le continent ? Pourtant, la démocratie républicaine ne peut s’accommoder de l’inobservance de règles éthiques aussi élémentaires.
Les faits montrent qu’en dehors des verrous constitutionnels, la solution se trouve davantage dans la vigilance et la mobilisation des peuples. Dans le cas vécu au Niger, l’on reste encore marqué tant par l’élévation du niveau de conscience que par la forte mobilisation des populations, en dépit même de l’intensification de la répression. Une détermination qui a forcé l’adhésion des plus sceptiques à l’intérieur, et séduit les peuples de l’extérieur. Cela a fini par faire réagir les responsables de la sous-région. Pris de court, les dirigeants de l’Union africaine (UA), ont alors dû revoir les principes et méthodes d’action de l’organisation panafricaine. Il était devenu difficile pour eux, comme pour les autres responsables de la communauté internationale, de demeurer inertes devant une si grande détermination, une telle capacité de mobilisation. Au juste combat du mouvement démocratique nigérien, il faut aussi associer l’audace de la presse qui avait fini par agacer le pouvoir défunt. Tout cela ne pouvait qu’inciter l’armée nationale à mettre un terme à l’aventure d’un pouvoir dont la mégalomanie le disputait à l’autocratie. Aussi dans leur tentative actuelle de restaurer la démocratie, les intervenants, à tous les niveaux, doivent-ils s’appliquer à faire du Niger une référence. Un autre phare pour la démocratie en marche sur ce continent.
"Le Pays"
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