mercredi 14 avril 2010

Centrafrique - les deux voix de la France

(Liberation 14/04/2010)
La semaine dernière, la France a, une nouvelle fois, désarçonné ses interlocuteurs sur le continent africain par son double langage. En l'occurrence, en République centrafricaine, où le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, s'est rendu, à l'issue d'une courte visite au Rwanda.
A Bangui, ce proche de Nicolas Sarkozy a, certes, signé un nouvel accord de défense avec les autorités locales. Ce texte prévoit que la France contribue à appuyer la restructuration et la formation des forces armées centrafricaines, tout en favorisant l'émergence de forces africaines de maintien de la paix. C'est le quatrième du genre, après ceux signés avec le Togo, le Cameroun et le Gabon.
"C'est un texte qui sera public. Il n'y aura plus de secrets", a-t-il lancé. Des mots qui trouvaient un écho indéniable à Bangui. Par le passé, la Centrafrique a illustré jusqu'à la caricature les dérives de la Françafrique avec l'affaire des diamants de Bokassa sous VGE et les "alternances" au sommet de l'Etat organisées depuis l'Elysée...
Rappelons que les forces françaises sont toujours présentes à Bangui, mais également dans le nord, à Birao, où -en mars 2007- les paras avaient lancé une opération coup de poing contre des rebelles, la première du genre depuis Kolwezi (Zaïre), en 1978. Mais Alain Joyandet a aussi profité de sa visite à Bangui pour appuyer publiquement le président François Bozizé, qui achève dans les semaines qui viennent son quinquennat.
Malgré les appels de l'opposition, le général Bozizé, qui avait pris le pouvoir par la force en 2003, avant d'être élu deux ans plus tard, souhaite maintenir la date du scrutin présidentiel au 16 mai. Les adversaires du chef de l'Etat centrafricain assurent que la liste électorale n'est pas crédible, et demandent un délai supplémentaire afin d'organiser une élection incontestable. Cette position est soutenue par l'Union européenne, les Etats-Unis... et par la France. Du moins jusqu'à la visite du secrétaire d'Etat à la Coopération à Bangui.
Jeudi dernier, lors d'une rencontre avec l'opposition dans la capitale centrafricaine, Alain Joyandet a en effet expliqué que le scrutin devait être organisé coûte que coûte avant le 11 juin prochain, date de l'échéance du mandat de Bozizé, afin -a-t-il dit- d'éviter un "vide constitutionnel" à la tête de cet Etat fragile s'il en est. Lors de cette réunion, l'un des chefs de file de l'opposition, le socialiste Martin Ziguélé, a pourtant réaffirmé que l'opposition acceptait que Bozizé reste au pouvoir afin de donner du temps au temps... Il n'a pas été entendu par le ministre français.
Résultat des courses: les opposants ont, pour l'heure, décidé de boycotter en l'état la future élection, et le président Bozizé clame désormais qu'il est "soutenu par la France" par la voix de Alain Joyandet.
D'après un bon connaisseur du dossier, l'ambassadeur de France à Bangui, Jean-Pierre Vidon, s'arrache les cheveux.

•Par Thomas Hofnung
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