(Le Pays 24/11/2010)
Les barrages routiers au "Débyland" ne devraient plus être, bientôt, qu’un mauvais souvenir. C’est en tout cas, la volonté affichée du maître de N’Djamena. En effet, le président tchadien, Idriss Déby Itno, a récemment ordonné que les barrières et barrages soient levés "sur l’ensemble du territoire national".
Cette décision du président tchadien fait suite à une petite enquête nationale qu’il aurait menée lui-même et d’où il ressort que les barrages routiers renchérissent les coûts des produits, donc le coût de la vie. Cette sortie fracassante du président tchadien sort de l’ordinaire. Il est rare, sous nos tropiques, qu’un chef d’Etat aille au charbon de la sorte pour dénoncer publiquement les abus de sa propre administration et exiger des changements. En cela, le coup de gueule de Déby mérite d’être salué. C’est aussi une sortie politiquement payante à première vue. Le citoyen tchadien pourrait apprécier positivement l’attitude de son président qui se montre ainsi proche de lui, au parfum de ses préoccupations quotidiennes.
Seulement, l’on peut émettre des doutes sur la sincérité du président tchadien et sur l’efficacité des mesures prônées. L’on se demande aussi s’il va appliquer cette cure d’amaigrissement au sommet de l’Etat en guise d’exemple. En outre, l’on s’interroge sur la capacité réelle des mesures préconisées, à résoudre de façon conséquente et durable le problème de la cherté de la vie. Est-ce une panacée ou une simple propagande ? C’est dans le rôle d’Idriss Déby Itno de veiller à ce que le pouvoir d’achat de son peuple ne prenne pas un coup face à des pratiques peu ou pas orthodoxes de son administration. Il doit, dans cette optique, prendre toutes les dispositions utiles pour mettre un terme à des pratiques comme les rackets. Cela procède du principe de bonne gouvernance, élément clé de la démocratie. Mais, la levée des barrages routiers comme remède au coût élevé de la vie paraît une fausse solution, du moins une solution insuffisante, à un vrai problème.
C’est une mesure superficielle, incapable d’assurer, à elle seule, la baisse significative des prix des denrées. A l’épreuve de la réalité, des mesures de ce genre, prises dans certains pays africains, se sont révélées inefficaces et n’ont très souvent servi qu’à l’enrichissement de commerçants véreux sur le dos du Trésor public. Il y a donc, pour les autorités tchadiennes, la nécessité d’actionner d’autres leviers pour se donner plus de chance d’atteindre les résultats escomptés. Une véritable politique agricole à même d’assurer au Tchad une sécurité alimentaire pourrait, de ce fait, être mise en route de façon effective. L’Etat devra veiller aussi à constituer des stocks de sécurité alimentaire conséquents.
Ce, à l’effet de faire face, de façon responsable, aux éventuelles crises en mettant les produits nécessaires à la disposition des populations et à des prix sociaux. C’est cela aussi le rôle de prévention de l’Etat. L’on est donc circonspect quant à l’efficacité de la décision visant à supprimer les barrages afin de régler le problème du coût élevé de la vie au Tchad. Ce, d’autant plus que le chef de l’Etat tchadien, à l’instar de bon nombre de ses pairs africains, n’a, jusqu’à présent, pas brillé par la qualité de sa gestion de la chose publique. L’on sait d’ailleurs que la société civile et l’opposition tchadienne ont, à maintes occasions, tiré la sonnette d’alarme sur les déficits de la gouvernance dans le pays. L’on sait également que ces alertes n’avaient, jusque-là, pas ému outre mesure les tenants du pouvoir.
Un exemple bien connu : la suppresion par Déby du compte destiné à recevoir les revenus du pétrole pour les générations futures. Tout cela fait que l’on est plus ou moins dubitatif sur cette volonté subite de Déby de changer les choses dans son pays. A moins que ce soit le début d’une volonté effective de changer de cap, le commencement d’une vraie évolution qualitative dans la gouvernance démocratique au Tchad.
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