(InfoSud 26/11/2010)
Débordée par l’afflux de demandes d’asile politique, surtout de Zimbabwéens, l’Afrique du Sud leur propose des régularisations jusqu’au 31 décembre. Une mesure qui se veut en phase avec les politiques migratoires européennes, mais qui ne répond pas aux enjeux régionaux.
Avec 220’000 demandes d’asile déposées en 2009, l’Afrique du Sud s’impose comme la première destination mondiale pour les réfugiés politiques, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Une situation intenable sur les plans migratoires, administratifs et sociaux. Pour tenter d’y remédier, au moins de façon ponctuelle, l’Afrique du Sud tente une première dans le pays : depuis septembre, Pretoria propose une régularisation massive aux centaines de milliers de réfugiés zimbabwéens présents sur son territoire. Et les files d’attente ne désemplissent plus devant les bureaux du ministère de l’Intérieur sud-africain.
Jusqu’alors, obtenir des papiers était une gageure quasi-inaccessible pour la majorité des 1,5 millions de ressortissants du Zimbabwe vivant en Afrique du Sud. Aujourd’hui, il leur suffit de présenter leur passeport et une lettre de leur employeur pour se voir attribuer un permis de travail valable au maximum quatre ans. Mais face à l’énorme afflux de demandes, les associations de défense des droits de l’homme restent sceptiques sur les capacités de l’administration à traiter tous les dossiers en trois mois. Car au-delà du 31 décembre prochain, ceux qui n’auront pas régularisé leur situation seront à nouveau sous le coup d’une expulsion.
90% des demandes d’asile politique refusées
Avant l’assouplissement des conditions de régularisation, l’unique option légale pour les immigrés zimbabwéens était la demande du statut de réfugié politique. Cette situation a enrayé le système sans apporter de solution. « Près de 90 % des candidatures sont refusées », déclarait en octobre dernier le directeur du ministère de l’Intérieur sud-africain à l’hebdomadaire Mail & Guardian. Car depuis l’an 2000, l’Afrique du Sud s’est alignée sur les politiques migratoires européennes avec une fermeture des frontières et des expulsions à tour de bras. Rien qu’en 2008, quelque 320’000 Zimbabwéens ont été expulsés. Pour le Consortium pour les réfugiés et les migrants en Afrique du Sud (Cormsa), la politique de contrôle des frontières mène à une impasse : « Il n’y a aucun moyen d’arrêter ou d’infléchir ce mouvement migratoire sans des coûts très élevés, que ce soit en termes financiers ou d’impacts sur les droits humains. »
Après la vague de violence contre les étrangers en mai 2008, Cormsa et l’association indépendante Lawyers for Human Rights avaient obtenu du gouvernement sud-africain la mise en place d’un moratoire sur les expulsions. A la suite duquel un accord prévoyait la création d’un statut spécial pour les Zimbabwéens, « qui n’a cependant jamais vu le jour », selon Aurélia Segatti, spécialiste des questions migratoires à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg. La vague de régularisation actuelle apparaît alors comme un pis-aller, avant de revenir à une politique migratoire coercitive.
Politique de l’autruche
Pour Aurélia Segatti, cette vague de régularisation suivi d’une reprise immédiate des expulsions est un aveu de l’inefficacité de la politique migratoire sud-africaine. « Cette tentative de régulation ad hoc ne répond absolument pas aux enjeux migratoires régionaux », explique la chercheuse. Sa consœur Tara Polzer, qui travaille sur les études migratoires dans la même université, souligne également le danger xénophobe de cette politique de l’autruche. En ne laissant, in fine, pas d’autre alternative que l’illégalité à la majeure partie des immigrés, le gouvernement sud-africain contribue à leur stigmatisation : ainsi, des centaines de milliers d’étrangers sont toujours perçus comme des individus de seconde zone.
Une mise au ban de la société dont profitent certains employeurs peu scrupuleux : les immigrés illégaux fournissent une main-d’œuvre bon marché très prisée dans le secteur agricole, le bâtiment et les emplois domestiques. D’après Cormsa, dans un pays où 40% de la population est exclue du marché de l’emploi, régulariser les étrangers entraînerait une amélioration des conditions de travail pour tous en imposant le respect des acquis sociaux dans le monde professionnel.
A Johannesburg, Magali Reinert/InfoSud -26 novembre 10
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