(Afriscoop 25/11/2010)
(AfriSCOOP Analyse) — Le dimanche 21 novembre dernier, les Burkinabé se sont rendus aux urnes pour se donner un nouveau président. Ils avaient à renouveler leur confiance au président sortant ou à accorder leurs suffrages à un nouveau locataire du « Kosyam » (Palais présidentiel burkinabé). Devant l’immobilisme politique qui a cours dans leur pays depuis plusieurs décennies, les Burkinabé ont tout simplement choisi de capituler ! Et dire que devant le même contexte ubuesque, les Togolais, malgré leur paupérisation atypique, maintiennent le cap de la contestation…
Les similitudes ne sont pas nombreuses entre les histoires politiques du « pays des hommes intègres » et de la « Terre de nos aïeux ». Toutefois, l’influence de la politique africaine de la France sur ces deux Républiques francophones permet de dresser des lignes de comparaison. Depuis les « indépendances africaines », le Burkina Faso et le Togo font partie du cercle fermé des pays africains qui n’ont pas vu un grand nombre de présidents se succéder à leur tête. Un triste palmarès politique qui montre à suffisance que l’alternance au sommet de ces deux Etats est une gageure !!
En Afrique de l’ouest francophone, Etienne Eyadèma Gnassingbé a incarné jusqu’à sa mort en 2005 le “premier” et crédible interlocuteur de l’Elysée ; un flambeau qu’il a subrepticement transmis à Blaise Compaore après son décès. Ce n’est donc pas pour rien que Paris ferme les yeux sur les fréquentes entorses à la démocratie, respectivement aux pays de Joseph Kizerbo et des Olympio. Le soutien apporté par la diplomatie française aux missions de bons offices initiées depuis près d’une décennie par B. Compaore dans divers différends politiques africains n’est pas non plus fortuit. Devant de tels serviteurs “discrets” de l’une des principales puissances économiques du monde (la France), difficile d’exister en tant qu’opposition, quand on ne bénéficie pas du soutien (direct ou indirect) d’une concurrente militaire ou économique de l’Hexagone. Des opposants africains comme John Fru N’di, Jean-Pierre Fabre, ou encore Me B. Sankara sont mieux placés pour livrer des témoignages de la vie d’opposant en Afrique francophone en général. Une somme de facteurs qui fait de chaque résistance citoyenne et républicaine (dans les Etats africains amis particuliers de la France) un acte de bravoure à léguer à la postérité…
Burkinabé hors-jeu, Togolais à une pause indéterminée !
« La natte est déjà pliée » : c’est la rengaine que bon nombre d’habitants du berceau du célèbre « Fespaco » ont lancé à la figure des interlocuteurs qui leur ont posé, ces derniers jours, des questions afférentes à la présidentielle du 21 novembre. Une manière de reconnaître indirectement qu’il n’est pas possible d’affronter Blaise Compaore. Même sur le terrain électoral. La population du Faso n’a pas été la seule à se couler dans cet état d’esprit. Même les opposants au régime de Ouagadougou s’inscrivent dans la logique du défaitisme avant l’heure. Ils étaient 12 en lice en 2005 (quand M. Compaore leur a promis durant la campagne « une fessée électorale ») ; cinq ans plus tard, ils n’étaient que 06 à se mettre dans les starting-blocks !!
Quand on observe de près le débat politique au pays du Siao (Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou), il est facile de se rendre compte que le Cdp (actuellement au pouvoir) écrase tout sur son passage. Comme généralement dans de pareilles occasions, avec l’argent du contribuable. Est-ce pour autant une raison suffisante pour se livrer à lui pieds et poings liés sur le terrain politique ?
« Le boycott des élections n’est pas la meilleure solution dans le contexte burkinabé », a laissé entendre Me Sankara, principal opposant au régime du « Facilitateur attitré de l’Afrique de l’ouest ». Bonne lecture. Certes, aussi, en Afrique francophone, les partis au pouvoir n’aiment pas délier généralement le cordon de la bourse pour offrir des financements aux activités politiques ; envers et contre l’esprit et la lettre des Constitutions en vigueur dans ces contrées... Cependant, les images d’opposants du Faso battant campagne ces derniers jours ont eu de quoi choquer plus d’un : les aspirants au Palais présidentiel s’efforçaient de s’attirer la sympathie des électeurs dans une ambiance tiède et devant des foules très peu enthousiastes. Ce ne serait pas non plus faire injure aux démocrates du Faso que d’affirmer que certains opposants, durant l’opération de charme précitée, se sont présentés en public sous des manteaux de quidams… « L’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue », dit l’adage. Même si on pourrait aisément deviner que les opposants burkinabé ont fait preuve de réalisme durant la présidentielle de dimanche dernier, leur posture de ce mois de novembre 2010 n’honore pas la mémoire de ceux qui sont morts pour que vivent les premiers pas démocratiques dans cet Etat enclavé.
L’essence de la démocratie : opposer la contradiction
Même face aux plus humiliantes tribulations que font vivre les gouvernants togolais à leurs compatriotes depuis les années 90, on imagine mal les Togolais prêter aussi facilement le flanc à l’écriture de pages électorales sombres de leur histoire ; comme ce fut le cas dimanche dernier au Faso. La preuve, après chaque scrutin émaillé de fraudes, ils sont nombreux, les compatriotes de Faure Gnassingbé, à jurer qu’ils ne remettront plus pied de si tôt dans un isoloir… Le temps du début d’une campagne électorale, et ces mêmes Togolais se laissent emporter par la fièvre électorale ! L’on peut toujours rappeler que cette euphorie électorale demeure improductive ; puisqu’elle n’a jamais permis aux différents contestataires des régimes des Gnassingbé de leur damer le pion dans les urnes. Du moins, officiellement. Cependant, la folie électorale qui s’empare subitement des Togolais à la faveur de chaque scrutin a le grand mérite de donner aux gouvernants une idée du nombre de leurs compatriotes qui ne partagent pas leur vision politique !! Une donne qui n’est pas à négliger dans la vie d’un Etat, quand on sait que durant tout jamboree électoral, divers observateurs étrangers viennent prendre le pouls de la vie politique locale.
Les compatriotes de Thomas Sankara semblent n’avoir que cure, désormais, de tous ces paramètres. A leur décharge, on peut citer les réussites socio-économiques des 23 ans de B. Compaore. « La destination Burkina » a par exemple une bonne cote en matière d’artisanat et de transformation des produits tropicaux en Afrique occidentale. Quand il était encore baptisé « la Suisse de l’Afrique », le Togo pouvait exercer des attraits sur les pays de l’hinterland d’une manière générale ; à cause essentiellement de ses atouts infrastructurels et économiques. Une réputation qui traîne aujourd’hui dans la boue… A titre d’exemple, il est difficile à l’heure actuelle de comparer le quotidien d’un fonctionnaire togolais et burkinabé. Idem pour les étudiants. Toutes choses qui font que les Burkinabé ne traînent pas le honteux chiffre de 62% de pauvres qu’on dénombre dans la population togolaise.
Un triste « record » qui force un peu plus l’admiration que l’on doit adresser au peuple togolais pour sa propension à garder le cap de la matérialisation de ses aspirations intimes… Celles de vivre dans une République où tous les citoyens sont égaux devant la loi.
jeudi 25 novembre 2010 par Edem GADEGBEKU, à Lomé
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