jeudi 2 septembre 2010

Famine tranquille au Niger

(Radio Canada 02/09/2010)
On s'interroge beaucoup depuis deux semaines sur les inondations au Pakistan. Pourquoi sommes-nous, apparemment, insensibles aux victimes de ce drame qui crient à l'aide? Les médias, au moins, en parlent beaucoup. Les ONG achètent de pleines pages de publicité dans les journaux. Les dons finiront bien par suivre ce bruit médiatique.
Déluge et malnutrition
Avez-vous entendu parler des inondations au Niger? Pendant la sécheresse des derniers mois, l'une des pires depuis 40 ans, les Nigériens suppliaient Dieu de faire tomber la pluie. Ils ont reçu un déluge. À la mi-août, le fleuve Niger avait atteint son plus haut niveau en 80 ans à cette saison, faisant 110 000 sans-abri. Les crues ont aussi détruit des milliers d'hectares de cultures, provoquant « une des plus graves crises alimentaires de mémoire d'homme au Niger ».
Selon l'ONG britannique Save the Children, « 400 000 enfants nigériens font face à la famine ». « Dans certaines régions, plus de 50 % des enfants de moins de deux ans souffrent de malnutrition aiguë, plusieurs ne survivront pas », affirme pour sa part l'ONG PLAN, qui s'inquiète dans le Guardian de Londres de la faible couverture médiatique. « La situation est pire qu'en 2005 — année de la dernière crise alimentaire grave au Niger —, mais personne n'en parle ». Le Programme alimentaire mondial de l'ONU (PAM) dit pouvoir aider seulement 40 % des Nigériens en état d'insécurité alimentaire.
Il faut faire attention aux chiffres. Dans le pays le plus pauvre au monde, tenir des statistiques est un luxe inabordable. C'est encore plus vrai en temps de crise. Mais quand on sait qu'en tout temps 50 % des Nigériens souffrent de malnutrition, on comprend qu'une simple mauvaise récolte peut avoir des conséquences désastreuses. Avec le doublé sécheresse-inondation — de plus en plus fréquent et de plus en plus dévastateur dans le Sahel —, les ingrédients d'un désastre humanitaire tranquille sont réunis.
Personne (à part Save the Children) n'ose parler de famine, de crainte de se faire accuser de sensationnalisme. La BBC s'est fait accuser d'exagérer la crise de 2005, en prévoyant la pire famine de l'histoire. Mais les 8 millions de Nigériens qui se lèvent et se couchent la faim au ventre ne se demandent pas comment nommer leur état. Ils se demandent s'ils vont trouver autre chose que des racines de mil pourries à manger aujourd'hui.
Plus de 1,3 million d'enfants africains de moins de 10 ans vont mourir de faim cette année, selon les chiffres du PAM. Va-t-on se demander pourquoi nous sommes insensibles à leur drame?

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