jeudi 27 janvier 2011

Côte d'Ivoire - La guerre économique est lancée par le camp Ouattara

(La Croix 27/01/2011)
Abidjan vit au rythme de la rumeur. La semaine dernière, le camp Ouattara assurait qu’une intervention militaire extérieure était inévitable pour s’installer au palais. Dans la ville, on était certain qu’au Nord, à Bouaké, les armées des voisins africains de la Cedeao se regroupaient pour descendre vers Yamoussoukro.
En début de semaine, le combat se portait sur le terrain économique. Alassane Ouattara demandait l’arrêt pour un mois des exportations de cacao. Dans la foulée, il réussissait à faire destituer un proche de Gbagbo du poste de gouverneur de la BCEAO, l’institut d’émission du franc CFA. Du coup, jeudi 27 janvier, dans la ville, on évoquait un « casse du siècle » perpétré dans la nuit par les forces pro-Gbagbo dans les réserves de la BCEAO d’Abidjan…
Reste, pour les deux belligérants, le terrain diplomatique. À la veille du sommet de l’Union africaine qui s’ouvre vendredi à Addis-Abeba, l’unanimité autour d’Alassane Ouattara se fissure. L’Afrique du Sud, l’Angola, l’Ouganda sont séduits par l’idée d’un recomptage des voix des élections ivoiriennes et d’un nouveau dialogue entre Africains. Alors, Abidjan assure que le colonel libyen Kadhafi va bombarder le palais de Gbagbo pour le déloger.
la guerre économique arrange beaucoup de monde, sauf les Ivoiriens
Chez Ouattara et ses soutiens, on est convaincu que la négociation ne servira qu’à faire gagner du temps à Laurent Gbagbo. Les pays de la Cedeao, emmenés par le Nigeria, ont brandi très tôt la menace d’une intervention militaire. En écho, la télévision publique (RTI) et les proches de Gbagbo ont mis l’accent sur les millions de « ressortissants de la sous-région » installés en Côte d’Ivoire et qui pourraient en faire les frais.
Aujourd’hui, la Cedeao demande le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU pour intervenir. « Elle sait très bien qu’elle ne l’obtiendra pas, à cause de la réticence de la Russie », estime un diplomate. La France et l’Onuci ne disent plus grand-chose. Les 900 soldats de Licorne sont peu visibles, leur mission étant d’exfiltrer les ressortissants français en cas de danger, et les 9 000 hommes de l’Onuci se font plus discrets depuis des attaques répétées contre leurs convois.
Dans ces conditions, la guerre économique lancée par Alassane Ouattara arrange beaucoup de monde, sauf les Ivoiriens, affectés dans leur vie quotidienne. Sans compter que personne ne peut évaluer le temps qu’il faudra pour ressentir l’impact de l’arrêt du cacao ou du contrôle de la BCEAO.
Plusieurs scénarios possibles
Un haut fonctionnaire français livrait récemment qu’Alassane Ouattara avant de rentrer en 1999 en Côte d’Ivoire avait suivi un cours de six mois aux États-Unis sur la résolution pacifique des conflits. Il essaie maintenant de le mettre en pratique.
D’autres scénarios sont sur la table. L’option d’un coup d’État, par des proches de Gbagbo – mais «ceux qui pourraient le faire disent qu’ils ont peur pour leur famille», confie un observateur. L’option de la rue, comme à Tunis. Enfin, l’hypothèse d’une descente des Forces nouvelles basées à Bouaké, épaulées par des militaires et un armement étrangers.
Deux fois depuis deux mois, ces Forces nouvelles ont commencé à marcher vers Yamoussoukro, la capitale politique du pays. Deux fois, elles sont remontées. Certains estiment qu’elles ont été repoussées par les militaires pro-Gbagbo, d’autres qu’Alassane Ouattara ne s’était pas encore résolu à être installé par une armée, considérée par beaucoup d’Ivoiriens comme constituée de rebelles, par qui le drame est arrivé en 2002. Mais le temps file et les options pourraient bien se réduire.

Pierre COCHEZ, à Abidjan
27/01/2011 17:38
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