jeudi 20 janvier 2011

SOUDAN: Le référendum est passé, mais ce n’est qu’un début

(IRIN 20/01/2011)
Un référendum séparé devait se tenir à Abyei en même temps que celui du sud. Les observateurs pensent que la question d’Abyei sera désormais désormais réglée dans les négociations post-référendairesJUBA, 20 janvier 2011 (IRIN) - Le référendum sur l’avenir du Sud-Soudan a défié les critiques en se déroulant de façon pacifique, mais la région doit encore faire face à des défis qui pourraient mettre sa stabilité en danger, disent les experts et les fonctionnaires.
« L’atmosphère du référendum a été pacifique, sûre et ordonnée pour permettre à un grand nombre d’électeurs d’exercer leurs droits démocratiques relativement facilement, » a dit aux journalistes Victor Tonchi, chef de la mission d’observation de l’Union africaine, lors de la publication d’un rapport préliminaire le 16 janvier.
Malgré les mises en garde contre les risques de violence, la période du vote, du 9 au 15 janvier, a été, au dire des observateurs, pacifique et calme. Les électeurs enthousiastes ont patiemment fait la queue durant des heures, et la participation dans le sud a été forte. Cependant la participation au nord a été beaucoup moins élevée.
« Ceci est notre moment historique, où pour la première fois de notre vie, nous avons la possibilité de choisir notre destin, » a dit Susan Tombe, une électrice. « Rien n’est plus important pour nous en tant que citoyens du sud et il ne viendrait à l’idée de personne de gâcher ce moment. »
Le référendum est l’aboutissement de l’accord de paix de 2005 qui a mis fin à deux décennies de guerre civile. Ce conflit a coûté la vie à quelque deux millions de personnes, selon les observateurs.
Les résultats définitifs ne sont pas censés être publiés avant le 14 février mais les premiers résultats suggèrent une majorité écrasante en faveur de la sécession, une opinion soutenue par le Centre Carter, une ONG américaine.
« Sur la base des premiers rapports de décomptes des votes, il semble quasiment certain que les résultats seront en faveur de la partition, » a dit le Centre dans une déclaration du 17 janvier. « Le Centre estime que le processus du référendum jusqu’à présent est conforme dans son ensemble aux normes en matière d’élections démocratiques et constitue l’expression véritable de la volonté de l’électorat. »
Le président des Etats-Unis, Barak Obama, a félicité le Soudan de ce vote pacifique. « La vue de tant de Soudanais en train de voter de manière pacifique et ordonnée était une inspiration pour le reste du monde et un hommage à la détermination du peuple et des dirigeants du Sud-Soudan de forger un meilleur avenir, » a dit M. Obama le 16 janvier.
La même opinion a été exprimée par les observateurs, dont la Ligue arabe, l’Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l’Est (IGAD) et l’Union européenne.
Mais avant le 9 juillet, date à laquelle le sud pourrait devenir indépendant, les observateurs notent que des problèmes essentiels demeurent : les négociations sur la citoyenneté, le partage des revenus pétroliers – avec des réserves situées principalement au sud, mais des oléoducs qui traversent le nord – la délimitation de la frontière et la dette écrasante du Soudan, estimée à 38 milliards de dollars.
Abyei
Un défi crucial est posé par la région frontalière d’Abyei, où au moins 30 personnes ont trouvé la mort dans des affrontements, au début du référendum.
Un référendum séparé était censé se tenir à Abyei en même temps que dans le sud ; il devait permettre à ses habitants de décider s’ils voulaient être rattachés au nord ou au sud. Mais la décision concernant ce vote reste dans l’impasse, parce que la communauté Misseriya, une tribu qui traverse la région tous les ans avec ses troupeaux et qui est largement soutenue par le nord, réclame le droit de voter.
Cette demande est rejetée par la population Dinka Ngok, largement soutenue par le sud, et la population du sud, pour qui seuls les résidents permanents devraient avoir le droit de voter. Un accord sur Abyei signé le 17 janvier entre Khartoum et Juba a accepté une série de mesures, comme le renforcement de la sécurité avec davantage d’unités mixtes intégrées - la force militaire nord-sud.
Les observateurs pensent que la question d’Abyei sera désormais réglée dans les négociations post référendaires, le sud visant l’annexion de la région et le nord essayant de soutirer des compensations importantes sur la dette, le pétrole et des accords sur d’autres points de la frontière. Ce genre de transaction nécessiterait l’accord des gens sur le terrain, mais beaucoup continuent à réclamer que le référendum [qu’on leur avait] promis ait lieu.
« De même que des engagements ont été pris pour organiser un référendum au Sud-Soudan, des engagements contraignants ont été pris pour permettre un référendum à Abyei, » a dit Deng Mading de Abyei Referendum Forum, un groupe de la société civile qui soutient le référendum d’Abyei. « Nous devons pouvoir décider de notre statut. »
Selon Douglas Johnson, expert sur le Soudan et ancien membre de la Commission pour les frontières d’Abyei (the Abyei Boundaries Commission), « Abyei s’est jusqu’à présent révélé la partie la plus délicate de l’Accord de paix global (CPA), plus difficile que la détermination du reste de la frontière nord-sud ou que le partage des revenus pétroliers. »
De hauts fonctionnaires du sud, comme Deng Alor, ont accusé le nord de soutenir des milices dans la région, des accusations rejetées par le Parti national du Congrès (NCP) au pouvoir à Khartoum.
« Nous disons au NCP qu’il vaut mieux qu’il arrête cela ; quand votre maison est construite en verre, il ne faut pas jeter des pierres sur les gens. Le NPC est vulnérable et il le sait, » a dit M. Alor, ministre de la Coopération régionale.
Tout en recommandant la mise en œuvre des modalités du référendum avant la fin de la saison sèche en mai, M Johnson a demandé la création de « mécanismes à long terme » pour permettre aux Misseriya et aux Dinga Ngok de « collaborer pour que les déplacements annuels des communautés pastorales se fassent sans danger ».
Malgré les tensions, il y a peu de risque de reprise du conflit, estiment certains fonctionnaires.
« Nous avons passé tellement d’années à laisser notre sang dans la brousse et à perdre nos amis et nos frères, que le nord comme le sud réfléchiront à deux fois avant de se lancer[à nouveau] dans la guerre, » a dit Gier Chuang, ministre des Affaires intérieures du Sud-Soudan. « Nous œuvrons pour la paix et la stabilité au Sud-Soudan ».
Malgré les mises en garde contre les risques de violence, la période du vote entre le 9 et le 15 janvier a été, au dire des observateurs, pacifique et calme
Les défis
Un défi crucial demeure, à savoir d’importants problèmes humanitaires et de développement. Plus de 180 000 Sud-Soudanais sont rentrés du nord dans les trois derniers mois, compliquant encore les problèmes des communautés déjà en grande difficulté, selon les chiffres publiés par Georg Charpentier, le Coordonnateur humanitaire des Nations Unies pour le Soudan.
« Tous les efforts sont faits pour garantir les besoins fondamentaux des rapatriés, la nourriture, l’accès à l’eau et à l’assainissement et des couvertures, » a dit M. Charpentier.
Mais les besoins à long terme sont énormes. « La pauvreté chronique, l’absence de développement, et la menace de violences qui affectent quotidiennement les populations ne disparaîtront pas après le référendum, » a déclaré Melinda Young, responsable d’Oxfam au Sud-Soudan, la veille du vote.
« Quel que soit le résultat du vote, ces problèmes se posent à long terme et devront être traités pour ne pas ruiner les progrès accomplis ces dernières années.»
L’inquiétude monte également dans le nord, où les observateurs craignent des répercussions si le sud fait sécession. Les manifestations contre l’augmentation des prix alimentaires ont provoqué l’inquiétude, tandis que la croissance de l’inflation continue et que la livre soudanaise a baissé par rapport au dollar dans les derniers mois.
Hassan al-Turabi, un vétéran de l’opposition islamiste, a été arrêté le 18 janvier après avoir appelé à un soulèvement à la tunisienne à Khartoum, la capitale.
« Beaucoup de gens se demandent : et maintenant, que va t-il se passer pour nous dans le nord ? », a dit à Khartoum un activiste de la société civile, qui a demandé à rester anonyme.
« Nous présumons que le sud va faire sécession, » a t-il ajouté. « Nous aussi, nous avons nos problèmes : il y a eu des émeutes au Darfour et dans l’est. Ces régions seront elles les prochaines à demander “à nous maintenant” ? »

Voir le diaporama sur le référendum au Sud-Soudan
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