lundi 24 janvier 2011

Lettre ouverte au président Wade dans l’affaire Habré

Nous avons l’honneur de porter à votre aimable et respectueuse attention une lettre ouverte, après une demande d’audience restée infructueuse. A l’analyse de la récente décision rendue dans l’affaire de l’ex-président tchadien par la haute juridiction de la Cour de justice de la Cedeao, institution sous-régionale, l’on est en droit d’attendre votre intervention judicieuse pour la pérennité de cette sentence judiciaire. L’opinion publique nationale et internationale a appris avec étonnement, lors d’une récente sortie sur les ondes de Rfi et de France 24, votre souhait de débarrasser le Sénégal du dossier pour le remettre à l’Union africaine, sans exclure la possibilité de son expulsion ou de son extradition hors du Sénégal, pour son ‘jugement’.
La décision de la Cour de justice de la Cedeao sonne dans toutes les oreilles averties comme un appel, un rappel à l’ordre : les droits de l’Homme de M. Hissein Habré doivent être respectés. Ils ne l’ont guère été dans le passé, et tout laisse supposer que ses droits ne seront pas respectés dans l’avenir, en raison de ‘l'existence d'indices concordants de probabilité de nature à porter atteinte aux droits de l'Homme de M. Hissein Habré’ constatée par la Cour de justice de la Cedeao.
L’extradition du président Habré au Tchad, en de pareilles circonstances et en dépit de la foultitude de décisions judicaires claires et définitives rendues par les plus hautes juridictions nationales et sous-régionales, reviendrait à le livrer ‘sur le plat’ à son ennemi de toujours le président Idriss Déby. Ce serait également une décision aux conséquences politiques fatales pour une personne adoptée par le Sénégal, car le président Hissein Habré a tenu son engagement tant à l’égard de vos prédécesseurs que de vous-même, puisque n’ayant jamais été entendu parler ou entreprendre des actions qui dérangent ou simplement incommodent, et ce sont ses avocats qui ont toujours mené légalement et dans la courtoisie les combats victorieux pour la sauvegarde de ses droits, suivant les moyens admis par la loi et le droit international.
Quant à une éventuelle extradition vers la Belgique, le principe fondamental de l’autorité de la chose jugée interdit que l’on passe outre la décision de justice rendue en 2005 par la Chambre d’accusation de Dakar ainsi qu’au dispositif de l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao. La procédure engagée par la Belgique relève simplement d’un mépris et d’une injure envers la conscience humaine, une escroquerie judiciaire en tant qu’elle aura accordé la nationalité à un citoyen tchadien rien que pour établir sa compétence, cependant par ailleurs que sa justice s’est dérobée et s’est déclarée concomitamment incompétente pour connaitre des plaintes déposées contre : le président américain Georges W. Bush et le Premier ministre israélien Ariel Sharon, Tony Blair, ancien Premier ministre de l’Angleterre, Louis Michel, ancien ministre des Affaires étrangères de la Belgique, les généraux Collin Powel, Tommy Franks, Donald Rumsfeld, suite à des hécatombes pour lesquelles il existerait de justes motifs de croire qu’elles pourraient leur être imputées.
Les prétendues victimes tchadiennes ont déposé plainte contre le président Hissein Habré pour complicité, mais refusent paradoxalement que l’on évoque les auteurs principaux, ce qui jure d’avec leurs complaintes de justice.
Pour ce qui est de la Lybie, l’histoire du Tchad ponctuée par des antagonismes farouches qui ont opposé les deux régimes politiques, appelle à la prudence, car une mort certaine serait au bout d’une extradition vers ce pays ou vers tout autre pays ami de ce dernier, et le monde hypocrite se satisfera alors de condamnations de principe.
Prendrez-vous la responsabilité de créer un précédent dangereux pour satisfaire des fractions d’activistes et d’Ong, lesquelles n’auront plus aucune peine de provoquer à tout moment et en tout lieu la comparution d’un ancien président africain devant un tribunal, sous le prétexte de la protection de droits de victimes imaginées, pour l’assouvissement d’ambitions crypto-personnelles ou de celles de néo-impérialistes dont le passé et les crimes les plus abominables sont tus ou classés sans suite par ces mêmes Ong ? Ces Ong cherchent un pays qui établirait sa compétence in personae pour condamner le président Habré, à l’exclusion de tout instrument qui établirait sa compétence in rem.
Juriste émérite, vous savez aussi que selon la coutume internationale, seul le Conseil de sécurité des Nations Unies est compétent en l’état pour la création d’une juridiction internationale ad hoc. Permettre à l’Union africaine de créer un ‘Tribunal pénal international pour Hissein Habré’ serait sans fondement légal, ni coutumier, et constituerait un dangereux précédent pour l’avenir de la justice internationale, une balkanisation de cette dernière, et porterait une atteinte grave et voilée au statut de Rome.
Que l’on n’invoque surtout pas le statut de Rome, car ce dernier ne dispose que pour les crimes commis après son entrée en vigueur. Que l’on n’invoque pas non plus l’imprescriptibilité des crimes comme justificatif, car cela mettrait à nu la méprise des juristes qui confondent cette règle d’avec celles de l’application de la loi pénale dans le temps et dans l’espace. Que l’on se garde d’évoquer la valeur de jus cogens des crimes supposés, car si le jus cogens sacralise les droits naturels de l’homme qui sont imprescriptibles, les droits invoqués par le président Habré : la légalité des crimes et délits ainsi que la non rétroactivité des lois pénales de fond, sont des droits divins puisque les dix (10) commandements n’ont disposé que pour l’avenir, et après leur publication sur le mont Sinaï. Que l’on invoque point enfin l’affaire Barbie, les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, car leurs compétences étaient établies par l’accord de Londres du 8 août 1945, lequel avait été publié dans les journaux officiels des Etats sur lesquels les crimes contre l’humanité venaient de se commettre et n’étaient pas non plus atteints par la prescription de droit commun des Etats-parties des puissances européennes de l’axe.
Si vous vous sentez obligé de rendre compte à l’Ua, vous n’êtes pas obligés de violer les décisions de justice s’imposant à vous, ni de remettre à l’Ua ce que vous appelez le ‘dossier Hissein Habré’. Il n’appartient qu’aux plaignants de saisir toute instance qu’ils estiment utile avec un dossier qu’ils ont la charge de préparer. Il appartient aussi à l’Etat tchadien de saisir les Nations Unies des faits, mais il ne le fera jamais, car une enquête sur la période de 1982 à 1990 pour établir l’existence de crimes graves contre l’humanité et en rechercher les auteurs, aboutirait à des poursuites très indésirables et incommodantes qui éclabousseraient nombre de bailleurs de fond qui s’étaient proposés pour financer le procès au Sénégal.
Nous vous suggérons de proposer au sommet, une enquête sous l’auspice des Nations Unies sur tous les crimes de droit international commis au Tchad depuis 1960, pour que tout auteur sans distinction puisse être trouvé et puni par un Tribunal ad hoc. L’idéal de justice universelle serait ainsi satisfait et atteint.
Votre intervention au sommet de l’Union africaine qui se tiendra du 24 au 31 janvier 2011 en Ethiopie (Adis Abéba) sera historique. Elle sera écoutée et commentée.
En vous remerciant de la lecture attentionnée réservée à cette lettre ouverte, nous nous joignons à notre client, pour vous souhaiter à l’entame de cette nouvelle année 2011, une santé de fer ainsi le succès réel dans votre combat pour la consolidation de l’Etat de droit, de la Justice et de l’égalité en Afrique et dans le monde, du respect de la dignité humaine, de la présomption d’innocence et de l’égalité des Hommes devant les poursuites.

Votre bien dévoué
Maître Ciré Clédor LY Avocat et Conseil du Président Hissein Habré
http://www.walf.sn/

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