(France Soir 27/01/2011)
Outre l’ex-président et sa femme, la Tunisie recherche activement les autres membres de la famille et leur réseau d’obligés.
Jour après jour, l’étau se resserre. Les autorités tunisiennes ont émis, hier, un mandat d’arrêt international à l’encontre de Zine el-Abidine Ben Ali, le président déchu, et de Leïla Trabelsi, son épouse. Parti en toute hâte, et réfugié depuis quinze jours en Arabie saoudite, le potentat destitué semble, pour l’instant, promis à un encerclement judiciaire l’empêchant au moins de quitter Ryad. Malgré l’avis de recherche officiel, Tunis redoute toutefois le précédent Idi Amin Dada, du nom de l’ex-tyranneau ougandais ayant trouvé asile à Djeddah, d’avril 1979 jusqu’à sa mort en août 2003, sans jamais avoir été jugé.
Outre la plainte déposée par trois ONG, à Paris, le 19 janvier, contre les époux Ben Ali, leur famille et leurs hommes liges pour « corruption », l’ex-dirigeant et sa femme sont aussi poursuivis par la justice tunisienne pour « acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers » et « transferts illicites de devises à l’étranger ».
Ces poursuites cumulées s’inscrivent dans le sillage de la vaste traque déclenchée en Europe, au sujet de l’ensemble du patrimoine mal acquis par ceux que les Tunisiens désignent maintenant tout haut sous l’expression de « mafia de Carthage »… La Suisse, la France et l’Union européenne (UE) s’étant prononcées favorablement quant au blocage et au gel de fonds indûment détenus par la totalité des fugitifs.
L’ex-numéro un tunisien avait quitté le pouvoir, en catastrophe, le 14 janvier, sous la pression inédite de la rue, une émeute généralisée baptisée la « révolution de jasmin ». Nulle trace cependant de Leïla Trabelsi en Arabie saoudite. Plusieurs sources diplomatiques doutent de sa présence à Ryad. Certaines d’entre elles la croient – sans certitude – parvenue discrètement au Canada où plusieurs membres du clan bénéficiant de statut de « résidents officiels » ont élu domicile. « Leïla la coiffeuse », ainsi surnommée avec mépris par les Tunisiens, est exécrée pour avoir mis en coupe réglée des pans entiers de l’économie locale au profit de sa famille et d’obligés constitués au fil de la grande entreprise de prédation économique entamée.
Autre figure honnie de ce régime boursouflé par la prévarication : Belhassen Trabelsi, le frère de l’ex-première dame, lui aussi en fuite. A l’instar de huit autres membres de la fratrie Trabelsi, récemment interpellés et tenus au secret, il est visé par des poursuites identiques.
Les serviteurs zélés du régime moribond n’échappent pas non plus au grand nettoyage annoncé. Huit membres de la garde présidentielle, dont son ex-chef, le général Ali Sériati, font l’objet d’une enquête distincte concernant des exactions contre la population. Le haut gradé est en outre visé par une information judiciaire, ouverte le 16 janvier, pour « complot contre la sécurité intérieure de l’Etat, incitation à commettre des crimes et à s’armer et provocation au désordre ». Figure centrale de la garde prétorienne du dictateur destitué, il a récemment été appréhendé dans le sud du pays alors qu’il prenait la tangente vers la Libye frontalière.
9.500 évadés priés de se rendre…
Quoique formulée dans un contexte exceptionnel, la supplique est à peine croyable. Le ministre de la Justice tunisien a appelé, hier, près de 9.500 détenus en cavale à… retourner en prison. Ces derniers ont profité du tumulte né, ces quinze derniers jours, de la « révolution du jasmin » pour prendre la clé des champs. Les fuyards visés par l’appel singulier des autorités sont tous des prisonniers de droit commun. Tunis indique en outre que 698 personnes ont été arrêtées pour implication dans les troubles ayant précédé et suivi la chute de Zine el-Abidine Ben Ali.
Par Samy Mouhoubi
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