mercredi 26 janvier 2011

Côte d'Ivoire - A Paris, le représentant de Ouattara prend le pouvoir à l'ambassade

(Le Monde 26/01/2011)
PARIS — "La porte est ouverte! Je vais pouvoir prendre mes fonctions", s'exclame Ali Coulibaly, nouvel ambassadeur de Côte d'Ivoire en France nommé par Alassane Ouattara, alors que vient de céder mercredi la porte de l'ambassade, fermée à clé par les partisans de Laurent Gbagbo.
"C'est un acte important après mon agrément par le gouvernement français", ajoute tout sourire le représentant d'Alassane Dramane Ouattara, reconnu par la communauté internationale comme le vainqueur de l'élection présidentielle de novembre mais constesté par son rival, toujours en place au palais présidentiel à Abidjan.
A quelques mètres de là, sous protection d'une demi-douzaine de policiers français, un serrurier vient de faire sauter le verrou du portail de l'hôtel particulier qui abrite l'ambassade, située non loin de l'Arc-de-Triomphe.
"On a gagné, on a gagné", crient une cinquantaine d'Ivoiriens qui attendent depuis des heures dans le froid Ali Coulibaly, bien décidés à le soutenir face à "l'ambassadeur rebelle", Pierre Kipré, un proche de Gbagbo.
Si les partisans d'ADO, le surnom d'Alassane Dramane Ouattara, contrôlent déjà le trottoir devant l'ambassade, n'hésitant pas à chanter et danser, la tension est encore vive.
Comme à Abidjan, les rumeurs se mêlent aux incertitudes: certains craignent une action des pro-Gbagbo pour "humilier" Ali Coulibaly et "gâcher la fête", d'autres redoutent une réaction violente des gendarmes ivoiriens supposés être retranchés à l'intérieur.
Les partisans d'ADO sont d'autant plus furieux qu'ils avaient pris le contrôle de l'ambassade fin décembre, avant finalement de remettre les clés au premier conseiller, supposé assurer l'intérim, tandis que le bâtiment restait fermé au public.
"Pour nous, avoir un ambassadeur à Paris, c'est un peu comme si Alassane Ouattara prenait le pouvoir à Abidjan", souligne Oumar Kouyaté, un partisan d'ADO.
Finalement, il est 12H00 (11H00 GMT) quand Ali Coulibaly peut enfin rentrer dans la cour de l'ambassade, déserte, sous les hourras de la petite foule surexcitée. Aucun signe des gendarmes, ni de Pierre Kipré.
"C'est symbolique en raison des liens que nous avons avec la France", explique M. Coulibaly aux journalistes, rappelant les "liens indissolubles" entre la Côte d'Ivoire et son ancienne puissance coloniale.
Le nouvel ambassadeur doit encore attendre une demi-heure avant de pouvoir rentrer dans son bureau, le temps qu'on fasse aussi sauter la serrure.
Le portait du président Gbagbo n'est déjà plus au mur où, à sa place, on accroche celui du "Père de la Nation", Félix Houphouët-Boigny, premier président de Côte d'Ivoire, décédé en 1993.
"C'est Alassane Dramane Ouattara qui est président de la République", martèle lors sa première conférence de presse le nouvel ambassadeur, fustigeant les "mauvais perdants" du camp adverse.
"Notre ambassade ne reflète pas l'image de la Côte d'Ivoire nouvelle mais celle que Laurent Gbagbo nous laisse, une Côte d'Ivoire détruite, qui souffre", ajoute-t-il.
Si les moquettes et les murs sont défraîchis, aucune trace visible des actes de vandalisme que certains redoutaient de la part des proches de Pierre Kipré.
La plupart des fonctionnaires sont également là. "Ca fait plus d'un mois qu'on ne travaille plus, c'est le soulagement", explique sous couvert de l'anonymat une fonctionnaire du service consulaire, surtout soucieuse de la "continuité de l'administration".
La question se pose désormais de la valeur des visas et des passeports délivrés par le consulat de Paris, alors que les contrôles à Abidjan sont effectués par des policiers fidèles à Laurent Gbagbo.

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