manifestants, bravant désormais le couvre-feu, persistent à réclamer le départ.
Dans l'immense bureau de son ministère, à deux pas de la Kasbah, le siège du gouvernement couvert de graffitis et assiégé par les protestataires, M. Baccouche affiche envers et contre tout un calme olympien. "La situation est en apparence insurrectionnelle mais la majorité de la population souhaite le retour au calme", affirme-t-il.
Certes, reconnaît le ministre, la rentrée dans les écoles primaires a été "faible", pour ne pas dire inexistante en raison du mot d'ordre de grève très suivi de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT). Mais "nous tenons bon", dit le porte-parole d'un gouvernement qui mise sur l'épuisement du mouvement.
"J'AIMERAIS QUE CETTE PLACE SE VIDE"
Dimanche 23 après-midi, devant la mairie face à la Kasbah, le général Rached Ammar, chef d'état-major de l'armée de terre, est brièvement apparu au milieu de la foule, un mégaphone à la main. "L'armée nationale se porte garante de la révolution", a-t-il lancé après avoir appelé à respecter une minute de silence en mémoire des "martyrs" du soulèvement tunisien.
"Nous sommes fidèles à la Constitution du pays. Nous ne sortirons pas de ce cadre", a-t-il affirmé, ajoutant tout aussitôt: "J'aimerais que cette place se vide, pour que le gouvernement travaille, ce gouvernement ou un autre."
Populaire jusqu'ici, comme en témoigne l'habitude prise par les familles de se prendre en photo devant les blindés, l'armée assure aujourd'hui le maintien de l'ordre. Car après avoir eux-mêmes manifesté, les policiers ont curieusement disparu des rues de Tunis ; du moins ne sont-ils plus visibles.
ANNONCE DE MESURES
Tard dans la nuit de lundi à mardi, les marcheurs venus des régions déshéritées de Tunisie, de Sidi Bouzid, de Kasserine, de Thala ou de Gabès ont continué à manifester en campant sous les fenêtres du premier ministre. La place de la Kasbah, au beau milieu de laquelle a été montée une tente bédouine, a désormais un petit air de festival de Woodstock. On y chante et on y danse sans discontinuer, tandis que les murs se sont couverts de calligraphie arabe et de slogans.
Pour éviter que cette situation perdure, des mesures sociales et économiques devraient être rapidement annoncées : indemnisation des familles dont l'un des membres a été tué par la police lors des affrontements avant la chute de l'ancien président Zine El-Abidine Ben Ali (une enveloppe de 500 millions de dinars, soit 258,5 millions d'euros) ; indemnisation aussi des propriétaires de commerces endommagés. "Chaque cas sera évalué, promet M. Baccouche, y compris celui des policiers et des membres de l'armée morts." Des allocations pour les diplômés au chômage devraient être versées et des "chantiers temporaires" ouverts. Enfin, les nouveaux ministres attendus pourraient être issus des régions défavorisées du pays.
Isabelle Mandraud
25.01.11
11h27
Article paru dans l'édition du 26.01.11
© Copyright Le Monde
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire