vendredi 21 janvier 2011

LE CONGO-BRAZZAVILLE : L’AUTRE TUNISIE AFRICAINE

(Le Post.fr 21/01/2011)
OU LA SAGA DES « BIENS MAL ACQUIS » DE SASSOU NGUESSO ET SON CLAN
« (…) Le voleur et celui qui reçoit des avoirs volés sont coupables du même délit ».
O. Obansanjo,
Ancien Président du Nigeria
Sassou Nguesso et son clan font partie du groupe des dictateurs kleptocrates des pays dits du Sud.
A en croire la Banque Mondiale, les avoirs détournés et les biens mal acquis par les dictateurs des pays du Sud au cours des dernières décennies, dont Sassou Nguesso, représentent entre 100 et 180 milliards de dollars. Ces chiffres, qui ne tiennent pas compte des détournements opérés par les proches des dictateurs, ne donnent qu'un aperçu de l'ampleur de la corruption. Le FMI, de son côté, évoque des chiffres au-delà de 1000 milliards de dollars[1].
Le pillage des richesses des pays du Sud s'opère avec la complicité ou à l'initiative des gouvernements et des entreprises des pays du Nord. Soucieux de leurs intérêts géopolitiques et économiques, ces pays soutiennent l'arrivée ou le maintien au pouvoir des régimes despotiques et corrompus...[2]
Ainsi, en 1997, dans le cas du Congo-Brazzaville, la France et la compagnie ELF (devenue TOTAL)[3] ont financé la reprise du pouvoir, à l'issue d'un coup d'Etat, par Sassou Nguesso, le moins regardant sur les conditions d'exploitation du pétrole de son pays[4]. Sinon, comment expliquer que le Gabon, l'Angola et le Congo-Brazzaville, qui figurent parmi les principaux producteurs de pétrole du continent noir, aient une dette aussi colossale ? Ces pays sont devenus l'eldorado de la France et sa compagnie pétrolière Total.
Selon le document du CCFD, Sassou Nguesso détiendrait, avec sa famille et son clan, la moitié de l'économie du Congo[5]’. Sassou Nguesso, avec son entourage, rien que de 1979-92 et 1997, a détourné plus de 700 millions de dollars.
Selon le FMI, entre 1999 et 2002, 248 millions de dollars provenant de l'extraction du brut n'ont pas laissé de traces dans la comptabilité nationale. Dans le budget 2003, sur les 800 millions de dollars de rentes pétrolières, seulement 650 millions de dollars ont été inscrits[6]… Or Sassou Nguesso contrôle de nombreuses entreprises dans le pays et possède plusieurs propriétés et comptes bancaires en Europe. Une liste des biens mal acquis de Sassou Nguesso, famille et membres de clan est exposée sur Internet[7].
Sur le Congo-Brazzaville, à propos de Sassou Nguesso, Terre Solidaire-CCFD[8] écrit :
Denis Sassou Nguesso est au pouvoir au Congo-Brazzaville depuis 1997, à la suite d'un coup d'Etat. Il avait dirigé de façon très musclée le Congo-Brazzaville de février 1979 à août 1992. Il a assuré durant toute l'année 2006 la présidence de l'Union africaine. Ces différents titres ne l'empêchent pas d'avoir détourné des fonds publics congolais pour son enrichissement personnel. En 2001, un rapport du Fonds monétaire international, faisant suite à une mission début novembre 2001, dénonçait les affectations des fonds publics congolais dans des comptes privés autres que ceux du trésor public. […] Sassou Nguesso a ainsi, pendant des années, pillé les richesses du pays. Il a profité des bonus - des prêts gagés ou préfinancements - des diverses commissions sur la vente du pétrole, et de la PID « provision pour investissements diversifiés », véritable caisse noire, non budgétisée de 1997 à 2002. Elf, puis Total, qui fournit à l'État congolais 70% de ses revenus pétroliers, ont été à la tête de ces malversations. Sa fortune provient aussi de rétro-commissions touchées sur des contrats de passation de marchés publics, du pillage du trésor public…
[…] Le 28 novembre 2005, la chambre commerciale de la Cour royale de Londres condamnait le Congo à rembourser des créances impayées à Kensington International, un fond vautour basé dans un paradis fiscal, les îles Caïman. Au cœur du dispositif, on découvre une petite entreprise basée aux Bermudes, Sphinx Bermuda, au capital de 12 000 dollars seulement, qui a réalisé des opérations pour un montant de 472 millions de dollars ! Elle achetait du pétrole à la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), souvent au-dessous des prix du marché et le revendait sur le marché international... Ces deux sociétés ont le même dirigeant : Denis Gokana, un conseiller de Sassou Nguesso. Le fils du président en faisait aussi partie[9].
En avril 2006, c'est au tour d'un juge fédéral américain de juger recevable une plainte de Kensington International contre le groupe bancaire français BNP Paribas et la Société nationale pétrolière congolaise pour blanchiment d'argent. Ces dernières se seraient associées pour cacher sciemment aux créanciers de Brazzaville des revenus tirés de la vente de pétrole par le biais d'un système de prépaiement « complexe et structuré de manière inhabituelle. »[10] Sous la conduite de M. Itoua, la société nationale pétrolière congolaise a, de 2001 à 2004, utilisé une étourdissante série de transactions fictives complexes et de compagnies paravents pour piller la richesse pétrolière du pays. Parmi les intermédiaires supposés, on trouve une société enregistrée aux Iles vierges britanniques avec « pour seul identifiable lieu d'activité… une résidence privée à Monaco »[11].
[…] Denis Sassou Nguesso s'est ainsi constitué avec ses proches une richesse colossale, qu'il est difficile aujourd'hui d'estimer. On trouve en 1997 un compte numéroté de 140 millions de dollars déposés dans la banque luxembourgeoise de SEB et géré par son ministre de la justice. Il détiendrait d'autres comptes en Suisse, aux Etats-Unis et sans doute en France, pour lesquels il n'a jamais été inquiété. Il possède également avec sa famille […] de multitudes de biens au Congo-Brazzaville. Il contrôlerait, avec sa famille, une bonne partie de l'économie de son pays. Sa fortune était évaluée à plus d'un milliards de francs français en 1997 par F-X Verschave[12]. Il possèderait aussi de nombreuses propriétés en Espagne, au Maroc et bien sûr en France : « un très grand pied à terre » au Vésinet (La villa Suzette, avenue Gallieni), à l'Ouest de Paris et un appartement avenue Foch à Paris[13]. Il serait également propriétaire d'un appartement avenue Rapp. De plus, si on se réfère au travail accompli par des citoyens congolais sur les biens mal acquis « des nouveaux riches »[14], on découvre que beaucoup de ses proches posséderaient des propriétés dans la région parisienne […].
Tout au long de ce Travail pour la Mémoire Collective, l'on n'arrête pas de mettre en avant l'action néfaste et criminelle de la France et de ses compagnies multinationales comme Elf (devenue Total) au Congo-Brazzaville.
Il est également suffisamment prouvé que Sassou Nguesso n'est pas un « président » de la République choisi librement par le peuple congolais. Cet homme y a été parachuté par un pays tiers : la France, qui n'a pas abandonné ses vieilles méthodes et pratiques coloniales. Le même scénario entre Jean-Bedel Bockassa et David Dacko en Centrafrique. L’un, en République Centrafricaine, a été emmené dans une « soute » d’avion et l’autre, pour ce qui concerne le Congo-Brazzaville, l’a été au bout d’un canon. Le roi Louis XIV, Napoléon Bonaparte et Colbert, ces pères de l'esclavage, de la Traite négrière, du Code Noir et du Code de l'Indigénat, ne sont pas morts[15].
Si demain, les populations congolaises se révoltaient, Paris sera le premier à dépêcher à Brazzaville des contingents militaires africains des pays voisins comme elle l'a déjà fait en 1997, avec l'aide des troupes angolaise, tchadienne, gabonaise et marocaine, en plus des militaires français déguisés en mercenaires, pour voler au secours du kleptocrate criminel qui le fait vivre. On ne le répétera jamais assez que la France, toute honte bue, vit de crimes, de rapines et de larcins. La France est un pays prédateur qui ne s'embarrasse pas d'assassiner hommes, femmes et enfants en Afrique, pourvu que le pétrole et autres matières premières soient préservés. Et tant pis pour les vies humaines, pardon, disons la vie des sous-hommes. Car c'est comme cela que la France traite les Noirs.
Par ailleurs, en considérant le comportement séculaire de la France quant à sa politique africaine, malgré le changement de générations, comment ne pas encourager ceux qui luttent avec d'autres moyens, des moyens autres que le stylo et le papier ?[16] Comment résister et ne pas être tenté de copier, de faire ou d'agir comme les autres ? Il arrivera un moment où les enfants de nos enfants seront bien obligés de copier et de faire comme les autres, si la France ne comprend que ce langage-là. Si d'un côté les autres ne corrigent pas leur vision de l'Afrique, leurs agissements et leurs pratiques, et si, de l'autre, ceux qui sont voués à la mort décrétée par la France n'ont pour seule solution que celle-là, dans ces conditions, nombreux sont les peuples qui se radicaliseront à travers le monde, très particulièrement en Afrique. L'Europe en général et la France en particulier les y invitent ou les y poussent allègrement.
Il y aura un temps où les pays comme la France ne trouveront plus des « Sassou-Nguesso » en Afrique, parce qu'il arrivera un moment où les peuples d'Afrique les pourchasseront avec leurs maîtres. Ce n'est certainement qu'une question de temps et de générations. A moins que d'ici là, les prédateurs aient compris pour changer leur mentalité... ! Dans tous les cas, qu'on le veuille ou non, la France devra se « décolbertiser » et opérer sa propre décolonisation mentale, mais également sa mentalité faite d'arrogance et de mépris de l'autre.
Sinon, comment oublier, quand ceux qui s'offusquent et nous disent qu'ils ne sont pas de ces générations-là qui ont commis ces crimes ignobles et ignominieux, perpétuent les mêmes méthodes, les mêmes pratiques et affichent les mêmes comportements ?
Comment oublier quand, même en ce XXIème siècle, un pays comme la France continue de se vautrer dans le Code Noir qui, pour certains Français, est et demeure leur Livre de Chevet ?
« […] Le général-président (Sassou) complote immédiatement avec eux (Foccart, Chirac, Pasqua, Elf, Omar Bongo). Leur implication concertée est démontrée. En perquisitionnant la Tour Elf, les juges Joly et Vichnievsky ont saisi dans le coffre-fort du colonel Jean-Pierre Daniel, responsable de la sécurité du groupe pétrolier, deux notes rédigées en 1991 […] : 23 avril 1991. Compte-rendu entrevue avec M. Tarallo. […] B. […] vient de voir Sassou et lui a proposé d'exécuter les opposants qui lui seraient désignés. Sassou vient de recevoir les pièces des blindés achetés par l'intermédiaire de M'Baye [directeur du Renseignement gabonais]. Transport aérien de Genève à LBV [Libreville], puis ensuite LBV-Brazza »[17].
N.B. : Ce document a été rédigé en 2008.
Cf. : Jean-Claude Mayima-Mbemba, La violence politique au Congo-Brazzaville. Devoir de mémoire contre l’impunité, Ed. L’Harmattan, Paris, 2008.

Par Jean-Claude Mayima-Mbemba
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