(Courrier International 25/01/2011)
Les chefs d'États des pays de l'UEMOA ont clairement pris parti en faveur d'Alassane Ouattara. Le départ forcé du président de la BCEAO en est la preuve, souligne L'Observateur Paalga.
Les lampions se sont éteints sur le XVe sommet des chefs d'Etat de l'Union Economique et Monétaire de l'Ouest africain (UEMOA), qui se sont réunis à Bamako (le 21 janvier). Rarement, une rencontre de dirigeants africains aura été attendue avec autant de frénésie, tant on se doutait que les décisions qui en découleraient seraient d'une importance plus que capitale dans le processus de sortie de la crise ivoirienne, qui affecte, depuis fort longtemps déjà, toute la sous-région. Le sommet a décidé de confirmer Alassane Dramane Ouattara, le président élu et reconnu par la quasi-totalité de la communauté internationale, à l'issue du scrutin du 28 novembre, comme "le seul détenteur de la signature de la Côte d'Ivoire". Cette décision vaut bien son pesant d'or, car, désormais, le perdant mais non-partant, Laurent Gbabgo, devra revoir la copie de toute sa stratégie financière ; même en politique, l'argent étant le nerf de la guerre, ce n'est pas peu dire.
Gbagbo suspectait d'ailleurs que ce sommet de ses pairs était en passe de sonner un certain glas financier pour lui : à preuve, alors qu'il n'avait reçu aucune invitation officielle l'y invitant, il aurait eu l'intention d'y envoyer un de ses fidèles parmi les plus fidèles, Laurent Dona Fologo.
Finalement, ni Gbagbo ni aucun de ses proches ni fut. Plus, c'est bien le Premier ministre du président élu, Guillaume Soro, qui y représenta la Côte
d'Ivoire. Certains y voyaient déjà les prémices d'une victoire du clan Ado. Ils ne s'y seront pas trompés de beaucoup, puisque le désormais ex-gouverneur ivoirien de la Banque Centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), Philippe Henry Dakoury Tabley, sera poliment poussé vers la sortie de la banque sous-régionale : son péché mortel aura été d'avoir outrepassé l'oukase des ministres des Finances de la zone UEMOA adopté le 23 décembre 2010, qui donnait exclusivement à ADO tous les pouvoirs de gérer les affaires liées à l'institution UEMOA.
Lié à Gbagbo par une amitié indéfectible, l'homme avait usé de ses prérogatives pour aider son ami à quelque peu se défaire de l'asphyxie financière qui menaçait de l'étouffer, il y a seulement quelques semaines, lorsque se posait la difficile équation du paiement des salaires de fin décembre. On parle d'un décaissement de 60 à 100 milliards de francs cfa. Une telle somme a-t-elle exclusivement servi aux traitements des fonctionnaires, ou doit-on lui trouver une autre mystérieuse destination ? On sait que, depuis les premiers moments où on a agité le spectre de l'intervention militaire de la CEdEao en Côte d'Ivoire, Gbagbo fait des mains et des pieds pour compléter son armement. Et on sait à présent quel rôle prométhéen Dakoury-Tabley aura joué dans cette affaire. A l'instar du héros mythique, il aura, lui aussi, écopé d'une sanction à la mesure de son exploit. Il faut cependant saluer l'élégance de son départ : en homme qui dirige une institution d'Etats qui reconnaissent parfaitement la légitimité de l'ennemi politique de son propre mentor, il aurait beau vouloir continuer à aider Gbagbo que la chose serait difficilement faisable ; d'autant plus que lui, Dakoury-Tabley, vient de se voir ficher au tableau noir des sanctions de l'Union européenne avec pour conséquences immédiates le gel de ses biens personnels et son interdiction d'y voyager.
On ne voit pas comment il aurait pu continuer à sereinement œuvrer dans l'institution BCEAO. Ne pouvant se soumettre, il aura choisi de se démettre, et son intiative, quelque part, l'honore. Tout comme ladite décision grandit l'instance Uemoa, dont elle traduit la décision plus que jamais affichée des chefs d'Etat de ne pas desserrer l'étau autour de Laurent Gbagbo. Elle tranche d'avec les tergiversations et atermoiements de la CEdEao et de l'Union africaine, il faut le reconnaître, tombées dans un piège inextricable tendu de main de maître par le stratège Laurent Gbagbo.
Reste à savoir de quel impact réel seront ces dernières mesures, notamment sur le bras de fer qui oppose les deux protagonistes de la présidentielle ivoirienne et, plus globalement, sur le fonctionnement général de l'Union économique ouest-africaine. Et ce, d'autant plus que, depuis Abidjan, Gbagbo et son clan récusent tout à tout vent : on pouvait s'y attendre, les décisions majeures prises par les chefs d'Etats à Bamako sont tout simplement jugées par eux "illégales". Que projettent-ils pour se dégager de la tentative d'étouffement ? Il s'est sussuré, ces dernières semaines, que des « billets Gbagbo » auraient circulé à Abidjan. Où en est-on à ce jour ? Il faudra sans doute attendre pour le savoir, mais, d'ores et déjà, l'homme ayant fini d'administrer la preuve qu'il a plus d'un tour dans son sac, on sait déjà qu'il ne restera pas les mains croisées, assistant impassible à sa mort économique et financière programmée.
Quel lapin sortira-t-il de son chapeau de magicien ? Et, au regard du poids économique que représente la Côte d'Ivoire dans l'espace Uemoa, de quelle capacité de nuisance sera sa nouvelle trouvaille ? Autant d'interrogations qui sont des sujets d'inquiétude pour cette zone économique et monétaire de l'Ouest-africain, laquelle, décidément, se rend compte, au fur et à mesure que le temps passe, que, quelque part, son propre destin se trouve lié à la résolution de cette crise secouant, depuis longtemps, la Côte d'Ivoire, mais dont, malheureusement, on ne perçoit pas la moindre lueur d'éclaircie.
L'Observateur Paalga
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