(L'Express 28/01/2011)
Depuis la démission du gouverneur de la BCEAO, proche de Laurent Gbagbo, le camp du président sortant manque de ressources financières. Ce qui expliquerait la récente "réquisition" de la banque centrale du pays.
Le gouvernement du président sortant ivoirien Laurent Gbagbo a "réquisitionné" ce mercredi les agences ivoiriennes de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), basées à Abidjan, la capitale. Selon le camp de son rival Alassane Ouattara, elle s'apparente à "un braquage".
"Une réquisition qui est faite par un pouvoir totalement illégitime et qui n'est pas habilité à prendre ce genre de décision, c'est véritablement un braquage", a affirmé Patrick Achi, porte-parole du gouvernement Ouattara.
"Les ressources qui existent dans les coffres (...) vont être pillées. (...) Heureusement ça aurait pu être pire", car la BCEAO "gérait ces ressources vraiment à des niveaux les plus bas", a ajouté Patrick Achi lors d'une conférence de presse au Golf hôtel d'Abidjan où est retranché le camp Ouattara. Selon le journal Le Nouveau Réveil, cette banque centrale concentrerait environ 400 millions d'euros.
"Cette question de réquisition (...) n'est pas anodine. Elle nous prépare un chaos économique sans nom dans ce pays et certainement dans la sous-région", a averti le porte-parole, souhaitant rapidement la libération des locaux.
Interrogé par le quotien ivoirien Soir Info, sur un éventuel "pillage" qui aurait été perpétré à la BCEAO, dans la nuit de ce mercredi, des sources concordantes proches de l'agence à Abidjan ont marqué leur surprise et ont fait savoir qu'il n'y a eu "aucune opération de sortie irrégulière" d'argent, comme cela a été rapporté par certains journaux du pays.
Toutefois, elles reconnaissent que le ministre délégué chargé du Budget, Katinan Koné, s'est bien rendu à la BCEAO ce mercredi. "Il y est venu avec un huissier accompagné de sa garde rapprochée pour notifier le décret de réquisition pris le 25 janvier par le président proclamé Laurent Gbagbo".
Ces dernières semaines, avant la démission forcée, le 22 janvier, du gouverneur ivoirien de la BCEAO, Philippe-Henry Dacoury-Tabley, le décaissement de quelque 60 milliards de francs CFA (91,5 millions d'euros) aurait été autorisé à profit du camp Gbagbo.
Les agences de la BCEAO fermées jusqu'à nouvel ordre
La BCEAO, dont le siège est à Dakar, a également protesté contre cette réquisition, et a annoncé la fermeture des agences ivoiriennes, comme l'avait ordonné le gouvernement Ouattara un peu plus tôt.
"La BCEAO proteste vigoureusement contre cette décision de réquisition ainsi que celle de nomination d'un Directeur national prises en violation flagrante des engagements internationaux pris par l'Etat de Côte d'Ivoire", indique le texte signé du gouverneur par intérim de la banque, Jean-Baptiste Compaoré.
Il rappelle que les statuts de l'Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa), dont la BCEAO est la banque émettrice, stipulent que "les locaux de la Banque Centrale sont inviolables".
Face à cette situation, la banque centrale ouest-africaine a décidé que "pour l'heure, toutes les agences de la BCEAO installées sur le territoire de la Côte d'Ivoire sont fermées jusqu'à nouvel ordre".
Ces développements surviennent après la démission forcée du gouverneur ivoirien de la BCEAO, Philippe-Henry Dacoury-Tabley, proche de Laurent Gbagbo, et accusé de ne pas avoir appliqué une décision de l'Uémoa, l'Union économique et monétaire ouest-africaine, de donner à Alassane Ouattara - qu'elle estime seul président légitime - la signature à la BCEAO au nom de son pays.
L'ancien gouverneur ivoirien de la BCEAO a été accusé d'avoir autorisé le décaissement de quelque 60 milliards de francs CFA (91,5 millions d'euros) en faveur du régime Gbagbo.
Paris privilégie les mesures financières pour chasser Gbagbo
Ce jeudi, le ministre français de la Défense Alain Juppé s'est dit pour sa part de nouveau favorable à un renforcement des sanctions financières contre le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et son clan, excluant une initiative militaire unilatérale de la France.
"Laurent Gbagbo doit partir et un renforcement des sanctions financières serait de nature à faire changer les choses", a estimé le ministre français, à l'issue d'un entretien avec la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, centré sur la relance de l'Europe de la défense.
Interrogée sur la chaîne I-télé et Radio Classique, la ministre des Affaires étrangères de la France, Michèle Alliot-Marie a de son côté affirmé que les chefs d'Etat de l'Union africaine, qui se réuniront ce dimanche à Addis Abeba (Ethiopie), allaient accroître la pression sur Laurent Gbagbo. "Il y aura probablement des mesures supplémentaires qui vont être prises à cette occasion", a-t-elle déclaré.
Cependant, son collègue au gouvernement, Alain Juppé, a réitéré que les 900 soldats français de la force "Licorne" en Côte d'Ivoire étaient là "pour protéger les ressortissants français et les évacuer. Rien d'autre".
Depuis la présidentielle du 28 novembre, Gbagbo et Ouattara revendiquent chacun la victoire, et la propriété de certains leviers financiers. Ce dernier a été reconnu président par la quasi-totalité de la communauté internationale, qui presse le chef d'Etat sortant de quitter le pouvoir, ce qu'il refuse. Le conflit entre les deux présidents proclamés aurait fait depuis la mi-décembre 271 morts, selon l'ONU.
Laurent Gbagbo réquisitionne aussi l'électricité du pays
Le gouvernement du président sortant ivoirien Laurent Gbagbo a également "réquisitionné" le centre de contrôle de la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE), a annoncé jeudi la société. Le président sortant a "décidé de la réquisition" du centre de gestion centralisé de la CIE, situé à Abidjan, "pour des raisons de sécurité nationale", indique la direction de la compagnie dans un communiqué. Ce centre, baptisé "dispatching", "représente la tour de contrôle indispensable au bon fonctionnement du système et à l'alimentation continue de toute la clientèle", précise-t-elle. "Une turbine devait rentrer en réparation. Cela allait réduire l'électricité sur le réseau et il fallait s'assurer que les sites stratégiques soient toujours alimentés", a expliqué le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello. Effective depuis le 19 janvier, la réquisition pourrait durer deux mois, a-t-il ajouté. Une source à la CIE a cependant réfuté sous couvert d'anonymat tout problème technique: "il n'y a pas de turbine en panne", a-t-elle assuré.
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