VIDEO. Le pari fou de Bolloré : 3000 km de voie ferrée d'Abidjan à Cotonou
La chaleur est telle que s'éloigner seulement de l'ombre d'un arbre
est un calvaire. Une cinquantaine d'ouvriers s'activent pourtant sans
relâche pour poser des rails sur une ligne sans fin de cailloux
concassés. Sur cette route qui mène à Dosso, à 90 km de Niamey, la
capitale du Niger, en plein coeur du désert nigérien, la température
dépasse régulièrement les 45 °C à l'ombre.
Les travailleurs de l'extrême redoublent pourtant d'ardeur. Car
l'aboutissement de leur chantier se soldera par l'arrivée du train. Ce
train que les 17 millions d'habitants attendent depuis
quatre-vingts ans. Et qui permettra de désenclaver cet Etat pris en étau
entre les islamistes de Boko Haram au sud et ceux d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) au nord.
Les 143 km de cette voie ferrée en construction ne représentent qu'une
toute petite partie du projet pharaonique dans lequel le groupe Bolloré
s'est lancé il y a deux ans. Le budget est colossal : 2,5 Mds€ répartis
sur dix ans. « Une somme qui sera prélevée uniquement sur nos fonds
propres, précise le patron du groupe Vincent Bolloré. C'est un investissement
sur le long terme. » L'aventure africaine, ce patron y a cru dès les
années 1980. Jusqu'à en faire l'une de ses terres de prédilection. Il y
mène d'âpres batailles commerciales pour l'acquisition de concessions
portuaires, investissant chaque année entre 300 et 400 M€. Présent
aujourd'hui dans 45 pays d'Afrique avec 25 000 salariés, il gère
16 concessions portuaires, dont deux fluviales, principalement en
Afrique de l'Ouest.
Se lancer dans la conquête du ferroviaire lui permettra de renforcer son
contrôle sur le transport et la logistique, dans une région où les
ressources minières abondent. Et où la concurrence des Chinois et des
Indiens est féroce. « Le transport des passagers ne représentera pas
plus de 10 % du chiffre d'affaires, reconnaît Thierry Ballard, le patron
du pôle ferroviaire du groupe. Les 90 % restants seront assurés par le
transport de ressources minières et de marchandises. »
VIDEO. Le train de Bolloré à la conquête de l'Afrique
Le train de Bolloré à la conquête de l'Afrique par leparisien
Des lieux de vie offrant de l'eau potable et internet
A terme, c'est donc une boucle de 3 000 km, baptisée la Blueline, qui
reliera cinq pays de l'Afrique de l'Ouest et leurs capitales : le
gigantesque port d'Abidjan en Côte d'Ivoire, Ouagadougou au Burkina
Faso, Niamey au Niger, et les ports de Cotonou au Bénin et de Lomé au
Togo. Une partie ne nécessitera qu'une lourde rénovation, entre Abidjan
et Kaya (Burkina). Mais pour le reste, sur près de 1 500 km, il faut
tout créer, dans des conditions parfois apocalyptiques.
Comme au milieu de ce désert, donc, où pour le moment la voie ferrée
s'interrompt net à une cinquantaine de kilomètres de Dosso. Alors,
malgré le soleil écrasant, les équipes locales, encadrées par des
contremaîtres camerounais, burkinabés ou ivoiriens, s'affairent sans
relâche. Dans un ballet réglé au millimètre, une équipe soude les rails
les uns aux autres en y versant de l'alumine en fusion portée à 1
300 °C. « Sur cette portion, chaque kilomètre parcouru coûte un million
d'euros, explique Joseph Aouda, Camerounais et responsable du chantier.
Soit 100 t de rails, fixées à 1 600 traverses, elles-mêmes posées sur 1
000 t de ballast ! »
« Faire rouler ce train constitue un véritable défi logistique, confie
Simon Minkowski, directeur du développement des activités ferroviaires
du groupe Bolloré. Car le matériel arrive d'un peu partout dans le monde
par bateau dans les ports d'Abidjan et de Cotonou, avant d'être chargé
sur des norias de camions spéciaux. » Seules donc les traverses en béton
sont coulées sur place. Les rails sont importés d'Italie, de Belgique
et de Grande-Bretagne. Les tabliers des ponts qui enjambent les oueds
ont été acheminés de France. Les voitures passagers proviennent de
Suisse et la nouvelle locomotive sera vraisemblablement achetée en
Afrique du Sud.
Le long des voies, dans les principales villes, mais aussi dans des
coins plus reculés, des lieux de vie, baptisés Bluezones, sont créés.
Ils sont totalement autonomes en énergie, grâce à des panneaux solaires
et des batteries, les mêmes qui équipent les Autolib' en France. Coût de
l'investissement : 1 M€ l'unité. L'électricité ainsi produite permet
d'apporter l'eau portable et Internet,
mais aussi de nombreux services. Le groupe entend ainsi se positionner,
grâce à ses batteries solaires, sur l'immense marché des énergies
décentralisées. En démontrant que sa technologie fonctionne aussi bien
dans ses Autolib' parisiennes qu'au beau milieu de l'Afrique.
leparisien.fr
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