"On vit une situation de stress permanent et c'est l'enfer". A l'usine STL de Lubumbashi, Jean-Pol Tavernier résume les difficultés du secteur minier liées au manque d'électricité dont souffre le Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo.
Au pied du terril qui surplombe la capitale de la grande province minière du pays, STL exploite depuis l'an 2000 cette montagne de scories pour en tirer un concentré de cobalt et de l'oxyde de zinc grâce à un gigantesque four.Directeur de la maintenance, M. Tavernier explique que la société a besoin de 34 mégawatts pour faire tourner ses installations à plein régime. En ce moment, dit-il, la Société nationale d'électricité (Snel) en fournit environ 24, un moindre mal.
Jean-Pol Tavernier dans l'usine STL le 27 mai 2015 à Lubumbashi ( AFP / FEDERICO SCOPPA )
"Le problème énergétique a commencé à se faire sentir à partir du boum minier de 2006-2007", dit-il, "la situation a commencé à se dégrader jusqu'à devenir vraiment catastrophique à partir de 2012".
Orgueil du Congo, l'industrie minière, alors exclusivement publique, a été victime de la gabegie et de l'impéritie de l’État sous le régime du dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997).
Exsangue au début du siècle, elle s'est relevée après la fin de la deuxième guerre du Congo (1998-2003) avec l'afflux d'investissements privés étrangers.
Grâce à ses gisements fabuleux du Katanga, la RDC est aujourd'hui le premier producteur mondial de cobalt, métal très prisé des industries de pointe, et dispute à la Zambie voisine la première place du classement des producteurs de cuivre africains, avec une production record de plus d'un million de tonnes en 2014.
- 'Fragilité terrible' -
Désireux de hisser le Congo au rang des nations émergentes à l'horizon 2030, le gouvernement compte sur la hausse de la production minière pour accroître ses recettes fiscales afin de sortir de l'ornière un pays parmi les moins développés au monde.
Jean-Pol Tavernier dans l'usine STL le 27 mai 2015 à Lubumbashi ( AFP / FEDERICO SCOPPA )
Dans ces conditions, prévient la Chambre des mines congolaises, la production est condamnée à plafonner. Les objectifs des industriels comme du gouvernement ne peuvent être atteints.
Le déficit énergétique dont souffre le secteur est évalué à 600 mégawatts. Cela représente un manque à gagner de "250.000 à 300.000 tonnes de production sur l'année", dit Ben Munanga, directeur Énergie et Infrastructures pour le groupe kazakh ENRC et membre de la Commission Énergie de la Chambre des mines.
Jean-Pol Tavernier dans l'usine STL le 27 mai 2015 à Lubumbashi ( AFP / FEDERICO SCOPPA )
"Nous pensons que dans une année, la Snel sera en mesure d'augmenter la puissance installée", dit-il comptant essentiellement sur les travaux de rénovation de quelques centrales auxquels contribuent plusieurs groupes miniers.
Mais cela "ne pourra pas résorber tout le déficit. Il faut de nouvelles unités de production dans le secteur. C’est ça la demande pressante", dit M. Munanga.
Pour tenter de pallier les difficultés, certaines entreprises installent des groupes électrogènes, d'autres ont recours à de l'électricité importée de Zambie, mais dans les deux cas, cela représente un surcoût.
Fin avril, le gouvernement a fait un geste en prenant un décret exonérant pour quatre ans les groupes miniers du paiement des droits de douane et de la TVA sur l'électricité importée et le matériel destiné à la production d'électricité. Commentaire cynique d'un minier : "Ils n'ont aucune solution véritable à moins de quatre ans".
Vieilles et mal entretenues pendant des années, les centrales électriques congolaises doivent régulièrement être immobilisées pour leur maintenance. Le pays fait face à une "fragilité énergétique terrible", reconnaît-on de source proche du gouvernement, estimant qu'"à court terme, la situation risque d'empirer" pour les miniers.
boursorama.com
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