dimanche 7 juin 2015

Dans les campagnes burundaises aussi, le troisième mandat présidentiel divise

De la colline d'en face, on les voit dévaler la pente par dizaines, s'arrêter, regarder la maison brûler sur les hauteurs, repartir. Ces manifestants opposés au président burundais Pierre Nkurunziza ont incendié la maison d'un chef l local du parti au pouvoir, et se dispersent avant l'arrivée de la police.
Quand trois premiers militaires, postés sur les hauteurs, arrivent en courant sur les lieux, ces opposants à un troisième mandat du chef de l'Etat sont déjà dans la nature, éparpillés sur les collines alentour.
La maison, dont l'attaque est revendiquée par les manifestants, est celle du vice-président de la section du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, pour la commune de Mugongomanga. On est dans la province de Bujumbura rural, au sud de Bujumbura. En terrain d'opposition.
Depuis que le président Nkurunziza a annoncé fin avril sa candidature à la présidentielle, les quartiers périphériques de la capitale, surtout, sont le théâtre de manifestations émaillées de heurts avec les forces de l'ordre et les jeunes du parti présidentiel.
Mais la province burundaise aussi a son lot de rassemblements, plus isolés et souvent moins remarqués depuis la fermeture des radios privées burundaises, mais parfois aussi violents.
La route qui mène à la maison de ce chef local du CNDD-FDD, Diomède Ndabahinyuye, en haut de la colline de Butagazwa, est jalonnée de troncs et souches d'arbres qui gênent le passage des voitures - les barrages de fortunes des manifestants.
 - 'Avertissement' -
  Devant la maison qui brûle, des voisins racontent que ce vendredi matin, les jeunes étaient en fait des centaines. Et en opération de représailles contre le propriétaire, une semaine après une autre manifestation au cours de laquelle l'un d'eux avait été blessé par un tir de la police:
"Il y a une semaine, quand les jeunes manifestaient, les policiers sont venus les chasser", raconte Bruno Gahungu, beau-frère du propriétaire de la maison incendiée. "Ils ont accusé Diomède de les avoir appelés. C'est pour ça qu'ils sont venus".
Certains disent que les manifestants avaient aussi entendu dire que le propriétaire avait reçu des armes, qu'il cachait chez lui. Des grenades notamment.
"Des mensonges", poursuit le beau-frère. "S'il avait eu des armes, ça se serait passé autrement". Il pense surtout que tout cela "est parti de la haine du CNDD-FDD" et ne se dit lui-même pas très rassuré, car lui aussi est "membre de ce parti".
A quelques pas de lui, d'autres voisins, aidés de la poignée de militaires accourus sur les lieux, s'aventurent dans l'enclos de la maison et arrachent les branchages secs qui servent de haie pour éviter que le feu ne se propage.
Une heure plus tard, des renforts militaires arrivent avec le propriétaire.
Cette attaque n'est pas vraiment une surprise pour lui: il dit avoir reçu des menaces "ces derniers jours".
Alors, quand il a "vu des manifestants à la bifurcation", là-bas, un peu plus loin, le matin même, il a pris la fuite, raconte-t-il en retrouvant sa maison carbonisée, toit effondré.
Plus bas, près de la route principale, des manifestants assurent un peu plus tard vivre "en bonne intelligence" dans le coin avec les membres du CNDD-FDD.
"Mais celui-ci avait dépassé les bornes et nous avons voulu donner un avertissement à tous ceux qui seraient tentés de faire de même", explique l'un d'eux dans le bourg d'Ijenda.
Ici, assure-t-il, les manifestations sont quasi-quotidiennes, parfois dans les collines comme ce vendredi matin, mais le plus souvent le long de la route bitumée, la RN7, qui traverse Ijenda. Pour les protestataires, il s'agit là aussi de "montrer que même dans les campagnes, les gens ne veulent pas du troisième mandat".
Le temps des rassemblements, c'est le matin. Et en début d'après-midi, marché aux légumes, brochettes de boeufs, bières... la vie reprend son cours normal dans le bourg. Mais les convictions, elles, restent bien tranchées.
Pierre Nkurunziza "avait promis aux Burundais que ce serait deux mandats et maintenant il en veut trois", lâche une vendeuse de légumes sur le bord de la route. "C'est ça qui nous empêche d'avoir la paix".
lavoixdelamerique.com

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