lundi 12 décembre 2011

Sénégal - Le mouvement Y'en a marre, révolution née d'une coupure d'électricité

(Le Monde 12/12/2011)

Y'en a marre est né à cause d'une des nombreuses coupures d'électricité que connaissent les Dakarois. Le 16 janvier, le journaliste Cheikh Fadel Barro reçoit ses amis d'enfance. Il dénonce dans les colonnes de La Gazette les scandales liés à la statue de la Renaissance, qui a coûté 26 millions d'euros à l'Etat - et dont Aboulaye Wade s'est déclaré seul détenteur des droits d'auteur -, il révèle aussi l'existence de terrains achetés en liquide par le même président. Ses amis, les rappeurs du groupe Keur Gui, sont originaires comme lui de Kaolack, au centre du pays. Du temps du régime d'Abou Diouf, Thiat et Kilifeu avaient été emprisonnés pour avoir critiqué la gestion de leur ville. Le 16 janvier, ils sont donc chez Barro, et depuis quelques heures une coupure d'électricité a plongé Dakar dans le noir.
Le journaliste reproche aux rappeurs de ne rien faire si ce n'est des chansons, les rappeurs au journaliste de se contenter d'écrire des articles : "En fait, notre première réaction avant de s'en prendre au président, raconte Barro, a été contre nous-mêmes : "Y'en a marre de rester les bras croisés." Quand l'électricité est revenue, à 4 heures du matin, nous avons envoyé notre communiqué par e-mail."
Nouveau type de Sénégalais
Deux jours plus tard, ils tenaient leur première conférence de presse et profitaient du forum social pour médiatiser leurs idées : demander aux Sénégalais de remplir des plaintes écrites au gouvernement et lancer une campagne de sensibilisation pour promouvoir ce qu'ils appellent "le nouveau type de Sénégalais". Ils organisent un réseau et proposent à qui partage leur état d'esprit de monter une cellule d'au minimum vingt-cinq personnes, dont dix femmes, "pour faciliter leur implication", assure le journaliste.
La cellule appelée "Esprit" s'engage à rester laïque, non violente et apolitique. Aujourd'hui, le collectif dit compter 389 "Esprits" au Sénégal, dont 27 à Dakar, qui promeuvent le mouvement et l'idée du "nouveau type de Sénégalais" : "Le NTS, explique Cheikh Fadel Barro, ne laisse pas traîner par exemple les sachets plastique, n'urine pas dans la rue, ne monte pas dans un car rapide surchargé, ne brûle pas des pneus quand il est mécontent. En quelque sorte, il fait la promotion d'un comportement citoyen. Il n'est pas fataliste et prend ses responsabilités." Du coup, il n'est pas rare à Dakar de croiser des jeunes qui ramassent les ordures en déclamant : "NTS, nouveau type de Sénégalais". L'avenir dira s'ils éliront un "NTP", un nouveau type de président.

Stéphanie Binet
Article paru dans l'édition du 13.12.11
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