(Dakaractu 20/12/2011)
Abdoulaye Wade et sept parmi ses proches sont aujourd’hui black-listés par le pouvoir américain et l’Europe. Après le temps des paroles, celui des actes. Le Congrès américain avait écrit à Wade pour lui réitérer les inquiétudes de Washington quant à la période électorale qui s’ouvre ces prochaines semaines et à laquelle sa candidature donne un cachet éminemment dangereux. Dakaractu vous a donné à voir la lettre du Congrès qui ne faisait pas dans la dentelle. Nous allons à présent vous livrer le processus à travers lequel ces mises en garde ont été construites, mais aussi retenir qu’à travers de nouveaux canaux, la pression américaine va aller crescendo et n’épargner aucun fauteur de trouble de la démocratie.
Les Occidentaux ont des méthodes que d’autres présidents têtus ont éprouvées, comme Laurent Gbagbo, ou plus dramatiquement Mouammar Kadhafi, sans oublier Hosni Moubarak qui gagnait des élections haut-la main à 90%, avant d’être balayé quelques semaines plus tard par un peuple déterminé. On les avait tout de même prévenus, allant même jusqu’à leur proposer des retraites dorées, sans même toucher au pognon qu’ils avaient volé et caché dans des paradis fiscaux européens. Quelque part, les Wade ont été prévenus eux aussi, lorsque le magazine Capital a publié, au mois de mars 2011, une enquête sur les avoirs de Karim Wade et de Syndjély Wade, les logeant Avenue Foch et Pierre 1° de Serbie, les deux plus chères artères immobilières de Paris. Une façon de vous dire: «On sait où est votre argent, et on sait ce que vous en avez fait.» Ce que les Européens et les Américains sont en train de dire aux Wade et à leur entourage, c’est de savoir partir, même avec tout ce qu’ils ont pris, qu’ils n’est pas possible que leurs intérêts souffrent encore de l’entêtement des hommes d’Etat africains à ne pas suivre l’élan du monde actuel. Ils ne prendront pas le risque de voir le Sénégal déstabilisé après le Congo Brazza et la Côte d’Ivoire. Le ton de la lettre que dakaractu a publiée est ferme mais encore assez diplomatique. Il semble que la très discrète visite de cet émissaire du sous-secrétaire d’Etat aux affaires africaines, Johnnie Carson, au début du mois de décembre, fut aussi assez tendue et ferme en propositions américaines demandant le départ du président Wade. L’envoyé a dit en substance à celui-ci : «Vous n’avez pas droit à un troisième mandat. Et serez tenu responsable de tout débordement si vous tentez un forcing. » Après quoi Carson lui-même a écrit au locataire du palais de l’Avenue-Léopold-Sédar-Senghor de résilier son bail en février 2012, comme l’exige la Constitution. Faute de résultat attendu de ces démarches, la deuxième vague des menaces américaines et occidentales a commencé son roulis, dont l’écume n’épargnera personne. Les Américains ont dressé une liste de 8 personnes dont Wade himself et sept boutefeux de son entourage. C’est ce qu’ils appellent une Black List. Ces hommes et ces femmes seraient tenus directement responsables d’éventuels remous politiques qui mèneraient le Sénégal dans l’incertitude. Pour les Américains, si Wade persiste à aller à la présidentielle, alors qu’il sait que cette candidature mettrait le pays en danger, lui-même et ses proches complices de cette aventure devront répondre de tout dérapage né de cette conduite inconséquente. Dans cette Black List, se trouvent Ousmane Ngom, ministre de l’Intérieur, donc aux premières loges du processus électoral biaisé qui s’annonce. S’y trouve bien évidemment Karim Wade qui forge constamment les opinions de son président de père, et à qui on prête une subite et extravagante fortune qui agace terriblement les Américains et l’Union européenne. Il y a aussi sur les ciblés des notes américaines, Diakaria Diaw, le faucon suprême du palais, Pape Diop, financier et orchestrateur logistique de cette candidature illégale et dangereuse… Il y a aussi Aïda Mbodj, cataloguée comme une icône de la violence après les agressions qu’elle est accusée d’avoir commandé à Bambey contre les partisans de Gadio. Mais aussi Farba Senghor, le jusqu’au-boutiste libéral dont la violence verbale attesterait de la détermination de son camp à passer en force, quitte à faire sombrer le pays dans un précipice. Habib Sy est sur cette liste au nom de son rang de conseiller, bouche et oreille du prince, liste qui est loin d’être fermée. Les Américains ont proposé aux Européens d’envisager des sanctions graduées allant de ce risqué gel des avoirs de cette tribu libérale à l’interdiction de voyager pour ces personnes. Ces mesures pourraient aussi toucher d’éventuels magistrats du Conseil constitutionnel, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire. Mais le plus dur serait que pendant un processus auquel il aura été demandé à Wade de ne pas participer, car mettant en péril notre démocratie, il y ait des victimes liées aux manifestations ainsi provoquées. Le cas échéant, les Américains n’excluent pas du tout de transférer les hommes présents sur cette Black List devant la Cour pénale internationale. Ce qui serait une première au Sénégal. Les lignes sont apparemment tracées. Les jaunes, comme les rouges. Nul ne sait ce qui se trouve sous le célèbre crâne d’Abdoulaye Wade. Il sait néanmoins où sont ses limites et ses marges de manœuvre. C’est son dernier coup de dés. Sortie honorable ou désastre à la Néron ? A lui de voir….
(Par Cheikh Yérim Seck)
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