(Le Point 05/12/2011) L'ex-président ivoirien s'est présenté lundi pour la première fois devant ses juges. Il considère Paris comme responsable de son arrestation.
"C'est l'armée française qui a fait le travail et elle m'a remis aux forces d'Alassane Ouattara, qui n'étaient pas encore les forces régulières", a déclaré Laurent Gbagbo.
Laurent Gbagbo n'est pas Slobodan Milosevic. L'ancien président de la Serbie contestait en 2002 la légalité même du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie qui le jugeait pour génocide et crimes contre l'humanité. Arrogant, pinailleur, dominateur, manipulateur, il est mort avant la fin de son procès, dans une cellule à La Haye. Neuf ans après, un autre ancien chef d'État occupe une cellule dans le même centre de détention. Il comparaît devant une autre juridiction, la Cour pénale internationale. Mais le ton est différent. Le fond aussi.
Laurent Gbagbo, qui s'est présenté lundi pour la première fois devant ses trois juges, est respectueux de la justice. Sanglé dans son costume sombre et sa cravate bleue, il se lève quand la présidente de la Chambre, Silvia Fernandez de Gurmendi, le lui demande. Poli à l'extrême, calme et posé, il dénonce ses conditions de transfèrement à La Haye. "On m'a trompé. J'ai été convoqué pour tout autre chose, et puis on m'a dit : voilà un mandat d'arrêt. On m'a raccompagné, mais au lieu de me ramener dans la maison où j'étais en résidence surveillée à Korhogo, on m'a conduit à l'aéroport. Mon chauffeur n'a pas osé me dire où j'allais. Mais j'avais compris qu'on m'envoyait à la prison de la CPI à La Haye. J'ai été pris par surprise, je suis parti sans rien, juste avec le pantalon et la chemise que je portais." Aujourd'hui, c'est différent : Laurent Gbagbo reconnaît être bien traité dans sa cellule : "J'ai mal au dos, aux poignets, on m'a fait des radios."
"On va aller jusqu'au bout" (Gbagbo)
L'ancien président de la Côte d'Ivoire promet qu'il jouera le jeu de la justice : "Le procureur a des éléments de preuve. Je les confronterai à ma vérité, et c'est vous qui jugerez", lance-t-il aux trois magistrats. Avant d'entrer dans le coeur des charges pour crimes contre l'humanité qui pèsent contre lui, Laurent Gbagbo accuse la France d'avoir orchestré son arrestation, sa mise à l'écart. Il revient longuement sur ce jour d'avril 2011, qui a marqué sa chute. "J'ai été arrêté sous les bombes françaises. Le 11 avril, une cinquantaine de chars français encerclaient ma résidence pendant que les hélicoptères bombardaient. C'est l'armée française qui a fait le travail et elle m'a remis aux forces d'Alassane Ouattara, qui n'étaient pas encore les forces régulières", raconte-t-il. Avant l'audience, ses avocats avaient indiqué qu'ils contesteraient la légalité du transfèrement à La Haye. Mais pas un mot là-dessus. Bien au contraire. "Maintenant, je suis là, on va aller jusqu'au bout", affirme Laurent Gbagbo.
Le procureur répète qu'il a confiance dans ce procès. "Nos enquêteurs sont sur place, à Abidjan et ailleurs, depuis le 3 octobre dernier. Nous avons monté un dossier pour meurtre, viols, persécutions et autres actes inhumains sur des faits et des incidents précis, avec des victimes. Nous avons suffisamment d'éléments pour prouver la culpabilité de Laurent Gbagbo", confie en marge de l'audience Pascal Turlan, conseiller du procureur Luis Moreno Ocampo. Et de poursuivre : "Les enquêtes continuent sur lui et sur d'autres membres de son entourage ainsi que sur toute personne qui aurait contribué à commettre des crimes."
L'audience n'a duré que 25 minutes. Dans les travées du public, quelques dizaines de partisans du président déchu chantent "L'Abidjanaise", l'hymne national ivoirien. Laurent Gbagbo tend l'oreille. Puis il retourne dans sa cellule. La prochaine étape importante est fixée au 18 juin prochain, le temps pour l'accusé de prendre connaissance du dossier à charge et de préparer sa défense.
Le Point.fr - Publié le 05/12/2011 à 19:06 - Modifié le 05/12/2011 à 19:07
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