(Le Pays 21/12/2011)
Le président Joseph Kabila a été enfin investi hier mardi 20 décembre 2011. L’événement était placé sous très haute surveillance, puisque Kinshasa était quadrillé par une smala de soldats, tant et si bien qu’on eût pensé à une ville en état de siège. Même l’investiture du président Alassane Dramane Ouattara, qui était intervenue dans un contexte sociopolitique marqué par des poches de résistance, n’avait pas connu pareille alerte vigipirate. Signe que la situation est délétère, qu’il y a péril en la demeure et que, le scrutin a un arrière- goût amer d’inachevé. Même les voisins de Kabila n’ont pas fait le déplacement de Kinshasa.
Seul Robert Mugabe du Zimbabwe y a fait acte de présence. Avec un tel invité, le camp Kabila n’a pas de quoi se glorifier. Du reste, en attendant l’investiture de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, annoncée pour le vendredi 23 décembre prochain, on note déjà un changement de ton du côté du pouvoir. Le discours a évolué et les positions ont fléchi. En effet, dans une interview accordée à nos confrères de Radio France internationale (RFI), le truculent porte-parole du président Kabila, Lambert Mendé qui rouspétait vivement contre l’opposant Etienne Tshisekedi au point de le vouer aux gémonies, a déclaré sans ambages, que le parti au pouvoir était prêt à dialoguer avec l’ensemble de la classe politique congolaise pour une sortie de crise.
Pourtant, dès le lendemain de la proclamation des résultats provisoires par la Commission électorale, ce même hiérarque du système Kabila que les confrères de Jeune Afrique avaient si habilement qualifié de "Mobutu Light", avait récusé toute possibilité d’ouverture, arguant du fait que l’ouverture à l’opposition pouvait traduire un aveu de culpabilité ou d’échec. Pourquoi donc cette volte-face ?
Kabila et ses sbires ont-ils donc compris que leur victoire, quoique reconnue par la haute juridiction congolaise - entendons la Cour constitutionnelle - est discutable voire controversable. Ainsi va la politique en Afrique. On organise délibérément des élections truquées, et après, on tend la main à l’adversaire à qui on a volé la victoire. On l’a vu au Kenya et au Zimbabwe où des attelages scellés au forceps se sont plus tard révélés contre-nature et donc incompatibles. En tout cas, pour l’heure, on attend de voir si Etienne Tshisekedi qui, du reste, jouait son va-tout dans ce scrutin, acceptera la main tendue du pouvoir. Et cela, à quelles conditions ?
Créera-t-on un poste de vice-présidence pour lui ? Ou se contentera-t-on de confier quelques portefeuilles ministériels à ses militants de pointe pour lui clouer le bec ? Rien n’est moins sûr. Car, de toute évidence, le régime de Kabila a réussi à le mettre dans l’embarras. Refuser la main tendue du pouvoir, c’est donner des verges à l’adversaire pour se faire fouetter. Saisir la perche tendue, c’est accepter de tomber dans une chausse-trappe ingénieusement posée par l’ennemi.
Boundi OUOBA
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