(Le Pays 16/03/2011)
Le pouvoir de Laurent Gbagbo n’a jamais autant vacillé que ces derniers jours. Bis repetita, est-on tenté de dire. L’histoire semble se répéter en Côte d’Ivoire. Comme en 2002, lorsque les rebelles ont fondu du nord jusqu’à Abidjan, la capitale économique ivoirienne est de nouveau en proie à des affrontements entre forces pro et anti-Gbagbo.
Mais la comparaison s’arrête là. Le contexte a complètement changé. La victime d’hier est devenue le bourreau d’aujourd’hui, et les forces jadis qualifiées d’assaillants ont recouvré une légitimité. Elles défendent la légalité constitutionnelle en voulant installer le président démocratiquement élu. Si en 2002, Gbagbo alors fraîchement élu, même laborieusement, jouissait d’une certaine légitimité, il n’en est rien aujourd’hui.
Il ne peut compter que sur un carré de fidèles mués en hors-la-loi et en tueurs pour conserver un pouvoir perdu dans les urnes. La guérilla actuelle à Abidjan est symptomatique de l’effritement progressif de sa force de frappe militaire, à la suite de coups de boutoir divers (défaites à Abidjan et dans l’Ouest, démoralisation de la troupe, embargo, sanctions économiques et ciblées, mise au ban de la communauté internationale, etc). C’est sur le bout des doigts que l’ancien président compte ses alliés : un quarteron de généraux, des jeunes désoeuvrés et endoctrinés, quelques pays sous l’influence d’un discours nationaliste galvaudé. C’est donc un homme traqué, aux abois qui vient de tenir une sorte de conseil de guerre et qui s’apprête à délivrer un message pour annoncer de « grandes décisions ». Un bon chef de guerre ou d’Etat devrait, dans les conditions actuelles, faire fi d’un amour-propre et d’un orgueil mal placés, pour brandir un mouchoir blanc et abdiquer. Pour épargner non seulement la vie de ses derniers soldats, mais surtout celle de son peuple. Mais Gbagbo n’est pas Napoléon. On le prendrait plutôt pour un Hitler tropicalisé, prêt à entraîner son pays dans la ruine, jusqu’à son dernier souffle. On ne saurait interpréter autrement cet ultime appel que promet de lancer Charles Blé Goudé, pour, dit-il, « libérer la Côte d’Ivoire ». Assiste-t-on aux dernières heures du terrible conflit qui déchire la Côte d’Ivoire ? Cette mobilisation générale pour l’assaut final, s’il a lieu, sonnera aussi sans doute le glas de Gbagbo, même s’il faut redouter le pire, en termes de victimes collatérales. Car, la barbarie ne semble pas avoir de limite en Côte d’Ivoire. Si l’on en juge par la gravité des crimes déjà commis contre les populations et ceux qui pourraient survenir si Gbagbo tentait de livrer sa dernière bataille, il y a de quoi frémir. Qui ne se souvient pas de cette terrifiante phrase du président sortant quand, au faîte de sa gloire, il lança : « Mille morts à gauche, mille morts à droite, moi j’avance » ? Une personne assez courageuse qui se permet de proférer une telle sentence est-elle capable de rédemption ? On aimerait le croire, et espérer que l’opposant historique mué en chef d’Etat aveuglé par le pouvoir, c’est-à-dire Laurent Gbagbo, saura épargner à son peuple le supplice d’un baroud d’honneur suicidaire.
Mahorou KANAZOE
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