(Le Temps.ch 26/05/2010)
Boubacar Diarra, représentant spécial de l’Union africaine et chef de la mission de maintien de la paix en Somalie, assistait mardi à Genève au deuxième Forum africain de dialogue. Depuis vendredi dernier, les insurgés islamistes shebab sont repassés à l’offensive à Mogadiscio
A l’occasion de la journée mondiale de l’Afrique, la deuxième édition annuelle du Forum africain de dialogue s’est tenue mardi à Genève. Orchestrée par la représentation permanente de l’Union africaine (UA) auprès des Nations unies, elle avait pour thème La paix et la sécurité pour un développement durable en Afrique.
Les défis que le continent doit relever en la matière sont immenses: chaque année, a rappelé Fred Tanner le directeur du Centre de politique de sécurité à Genève (GCSP), les guerres qui le ravagent lui coûtent 18 milliards de dollars et amputent de 15% sa croissance. Plus que dans aucun autre pays, c’est en Somalie, théâtre d’une interminable guerre civile, que l’espoir de la paix apparaît le plus ténu. L’ONU s’est alarmé en mars du risque d’extension du conflit à la Corne de l’Afrique. L’Unicef y a pour sa part récemment déploré le recrutement d’enfants soldats.
Hasard cruel du calendrier, alors même que se tenait en fin de semaine passée à Istanbul une conférence des Nations unies sur l’avenir de la Somalie, les insurgés islamistes shebab repassaient à l’offensive dans la capitale Mogadiscio. Lundi, ils revendiquaient le contrôle du nord de la ville et assuraient que «la prochaine étape» serait la prise de la Villa Somalia, le palais qui héberge Cheikh Sharif Ahmed, le président du gouvernement fédéral de transition (GFT), soutenu par la communauté internationale.
Boubacar Diarra, représentant spécial de l’UA et chef la Force de maintien de la paix de l’UA en Somalie (Amisom), participait mardi au Forum africain de dialogue. Entretien.
Le Temps: Où est l’espoir pour la Somalie?
Boubacar Diarra: Malgré la volatilité de la sécurité, malgré les difficultés auxquelles l’Amisom est confrontée, nous sommes obligés d’entretenir l’espoir. Oui, la Somalie est confrontée à une crise qui perdure depuis vingt ans, mais des étapes importantes ont été franchies. La conférence de Djibouti en août 2008 a permis de tracer un cadre d’intervention en faveur de la paix. Cette conférence a débouché sur un gouvernement de transition et l’élection du président Cheikh Sharif. La dernière conférence de l’UA a été l’occasion de se réjouir de ce que ce gouvernement a fêté la première année de son maintien au pouvoir, ce qui atteste la volonté de la communauté internationale de renforcer ses assises. Ce gouvernement a aussi le mandat d’étendre le dialogue à l’ensemble des parties prenantes en Somalie. En mars dernier, un accord a été signé entre le GFT et le groupe modéré Ahlu Sunna Wal Jama qui contrôle la région centrale de la Somalie et permet donc au gouvernement de reprendre le contrôle sur cette partie. Ce groupe dispose d’un gouvernement et d’une administration qui vont être intégrés.
– On peut s’en réjouir. Mais les shebab sont repassés à l’offensive à Mogadiscio et menacent de prendre le palais présidentiel…
– C’est de la propagande. Le mandat de la force africaine est certes de favoriser le dialogue et la réconciliation, mais aussi d’assurer la protection des institutions étatiques.
– Ces hommes sont sur le pied
de guerre?
– Ils ne sont pas là-bas pour faire la guerre mais pour protéger les institutions. L’armée et les forces de sécurité somalienne défendront le territoire, et si nous sommes requis, l’Amisom interviendra en appui. Je ne suis pas déstabilisé par la propagande des shebab. Ce n’est pas la première fois qu’ils attaquent la Villa Somalia et chaque fois nos forces les ont repoussés.
– Quels sont les moyens de l’Amisom?
– Elle compte quatre bataillons ougandais et trois bataillons burundais, soit 6200 hommes.
– Est-ce suffisant?
– Non. Nous n’avons pas encore atteint l’objectif de 8000 hommes. C’est un appel que nous lançons aux pays africains et à la communauté internationale. Nous avons aussi besoins de capacités maritimes importantes pour protéger Kismayo, la deuxième ville du pays aujourd’hui entre les mains des shebab, et de support aérien.
– Redoutez-vous que le conflit contamine la région?
– La crainte est réelle. L’an passé, les shebab ont fait allégeance au terrorisme international et on constate depuis la venue importante de djihadistes internationaux en Somalie dont ils veulent faire leur tête de pont.
mercredi 26 mai 2010
Angélique Mounier-Kuhn
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