PASCAL BONIFACE, DIRECTEUR DE L'IRIS.
Pour la première fois, une épreuve sportive mondialisée, et la plus importante d'entre elle, va être organisée sur le continent africain. Celui-ci a dans le passé donné beaucoup de champions au sport. Il n'avait jamais été jugé digne de pouvoir être l'hôte d'une compétition majeure. Est-ce le signe d'un nouveau départ pour ce qui apparaît pour certains comme le continent oublié de la mondialisation ? Pendant très longtemps, on a jugé que faute d'infrastructures nécessaires, l'Afrique n'était pas en mesure de recevoir une telle compétition. Certes, l'Afrique du Sud est un pays à part. Il représente à lui seul plus de 40 % de la richesse du continent africain. Il faut voir dans le choix du pays qui a gagné la compétition contre le Maroc, dont on peut juger que le dossier technique était meilleur, un choix avant tout politique. C'est bien sûr Nelson Mandela, sa personne, la politique qu'il incarne qui a permis à l'Afrique du Sud d'être désignée pour recevoir la Coupe du monde 2010. Le démantèlement de l'apartheid de façon pacifique, la politique de réconciliation que Mandela a menée, saluée unanimement, ont été récompensés par la Fifa. Nelson Mandela est très certainement l'homme politique le plus populaire dans le monde.
Pour beaucoup, l'Afrique, égale guerres civiles interminables et cruelles pouvant aller jusqu'au génocide comme ce fut le cas au Rwanda, corruption, mauvaise gestion, sous-développement, sous-alimentation, sida et émigration de jeunes qui n'ont aucun espoir chez eux, absence de démocratie, régime autoritaire et également maintenant héréditaire. Un continent qui n'a pas su exploiter la richesse de ses matières premières.
Il est vrai qu'il y a un certain désenchantement en Afrique du Sud. S'il y a des progrès avec la montée en puissance et la création d'une bourgeoisie noire, la construction d'une véritable démocratie, l'accès à l'eau et au logement pour une grande partie de la population, 40 % des Noirs sont toujours au chômage et la violence est endémique. L'Afrique du Sud est au niveau mondial le second pays en terme de crime après la Colombie. Avec près de 20.000 meurtres et 50.000 viols par an pour s'en tenir aux statistiques officielles. Les Blancs possèdent encore 80 % des terres agricoles, seules 5 % des terres ont été redistribuées, le démantèlement de l'apartheid n'a pas débouché sur la création d'une réelle égalité sociale et les inégalités sont encore largement liées aux différences raciales.
Certes, il serait illusoire de croire que la seule organisation de la Coupe du monde permettra au continent africain de décoller et de faire mentir René Dumont qui dès 1962 publiait son livre choc « L'Afrique est mal partie ». On voit néanmoins que l'Afrique a été le continent oublié des années 1990, délaissé après la fin de la compétition est-ouest, il fait aujourd'hui l'objet de beaucoup d'assiduité des pays extérieurs. Les grandes problématiques de la mondialisation, qu'il s'agisse d'émigration, de la protection de l'environnement, de la lutte contre les grandes pandémies, des questions démographiques, de la fracture Nord-Sud sont au coeur de l'Afrique. La Chine y est très active et organise des sommets sino-africains qui réunissent presque 50 pays. Elle recherche évidemment les matières premières, mais elle fait également une offre politique en mettant en avant que contrairement aux pays occidentaux, elle ne pratique pas l'ingérence. Le Japon à la recherche d'un siège de membre permanent du Conseil de sécurité ne néglige pas les plus de 50 voix africaines à l'ONU. Il n'a par ailleurs pas de passif historique avec cette région, ce qui le change de ses relations avec ses voisins asiatiques. Le Brésil lui-même semble vouloir renouer avec ses racines africaines, tandis que les Etats-Unis bien avant les élections d'Obama s'intéressent à nouveau au continent, ne serait-ce que pour les aspects pétroliers et de lutte anti-terroriste.
L'organisation de la Coupe du monde est un test. Si elle est réussie, c'est la crédibilité de l'Afrique du Sud, et au-delà du continent africain qui sera renforcée. Si il y a échec, les afro pessimistes verront leurs préjugés confirmés.
C'est pourquoi l'Afrique du Sud a à coeur d'être à la hauteur de l'événement, et le sera très certainement.
par http://www.lesechos.fr/
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