mercredi 26 mai 2010

Ethiopie - Le premier ministre éthiopien se proclame vainqueur des élections législatives

(Le Monde 26/05/2010)
Meles Zenawi, le premier ministre éthiopien, issu de la guérilla tigréenne, au pouvoir depuis 19 ans, est un homme impatient. Sans même attendre la proclamation officielle des résultats des élections parlementaires de dimanche 23 mai, il a battu le rappel d'une dizaine de milliers de ses partisans sur une place d'Addis-Abeba pour célébrer, mardi matin sous un soleil radieux, le triomphe de sa coalition, le Front révolutionnaire et démocratique des peuples d'Ethiopie (EPRDF). L'opposition, elle, a dénoncé des fraudes alors que la mission d'observation de l'Union européenne soulignait le manque de libertés politiques et une campagne déséquilibrée.
Biruk, étudiant en sciences, n'a pas ces états d'âme. "C'est la victoire des hommes d'action contre les dirigeants de l'opposition qui sont tranquillement installés à l'étranger", lâche-t-il en agitant un drapeau éthiopien vert, jaune, rouge. Il rappelle les performances du gouvernement de Meles Zenawi dont l'activisme économique a permis au pays d'afficher des taux de croissance proches ou dépassant les 10 % au cours de ces dernières années. Même si l'Ethiopie demeure l'un des pays les plus pauvres de la planète.
Lors des précédentes élections législatives de 2005, l'opposition avait obtenu son meilleur score à l'issue d'une campagne électorale étonnamment ouverte. Mais les manifestations contre les fraudes orchestrées par le pouvoir avaient été durement réprimées provoquant la mort d'au moins 200 personnes. Les principaux dirigeants de l'opposition avaient été emprisonnés et plusieurs condamnés à la perpétuité pour "déstabilisation de l'ordre constitutionnel". Ils ne furent libérés qu'après avoir exprimé leurs regrets et beaucoup furent contraints de quitter leur pays.
Au lendemain de l'annonce des premiers résultats qui donne la victoire de l'EPRDF dans 499 des 536 circonscriptions – le Parlement compte 547 élus–, l'opposition réunie au sein du Forum pour la démocratie et le dialogue semble désemparée. "Nous rassemblons les éléments pour démontrer qu'il y a eu des fraudes massives. Nous irons devant la justice s'il le faut mais nous n'appellerons pas à manifester", nous a déclaré Negasso Gidada, un ancien président, aujourd'hui l'un des dirigeants du Medrek. Le souvenir de la répression de 2005 plane sur les têtes, d'autant que le pouvoir a, depuis, encore renforcé son emprise sur le pays.
Une emprise qui a faussé le jeu électoral. Lors d'une conférence de presse tenue mardi, le chef de la mission d'observation de l'Union européenne, le Néerlandais Thijs Berman, a ainsi souligné que "la forte participation le jour des élections (environ 90 %) a été ternie par le rétrécissement de l'espace politique et le déséquilibre du jeu politique" entre le parti au pouvoir et l'opposition, a-t-il ajouté. "La séparation entre le parti au pouvoir et l'administration a été gommée dans de nombreux cas au niveau local", a poursuivi le député européen. "Il est trop tôt pour parler d'élections libres et équitables, et il est improbable (que nous ne le fassions pas) vu les insuffisances déjà identifiées", a-t-il conclu. Christophe Châtelot, envoyé spécial à Addis-Abeba

Christophe Châtelot
Addis Abeba, envoyé spécial
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