dimanche 30 mai 2010

La France et les Africains cherchent un nouveau lien

Ce 25e rendez-vous franco-africain des chefs d'État a pour toile de fond le bilan contrasté d'un demi-siècle d'indépendance des anciennes colonies françaises
Ils auraient tous dû se retrouver au bord de la mer Rouge, mais, pour ce 25e sommet France-Afrique, Hosni Moubarak l'Égyptien avait prévu d'inviter le Soudanais El-Béchir. Et Paris avait refusé la présence d'un président poursuivi par la Cour pénale internationale. Du coup, c'est à Nice qu'a lieu demain et mardi la traditionnelle réunion de famille, élargie - c'est devenu la règle - à toute l'Afrique et pas seulement aux francophones de l'ancien « pré carré ».
Pas de Soudanais, donc, ni l'infréquentable Robert Mugabe du Zimbabwe. Mais sur 53 pays africains, 51 sont représentés demain à Nice, dont 38 par leur chef d'État. Et la liste de ceux qui honorent l'invitation de Nicolas Sarkozy donne la température diplomatique. L'Algérien Bouteflika, dont la visite à Paris est sans cesse reportée sur fond de brouille politique, sera pourtant là. Laurent Gbagbo l'Ivoirien, qui n'a toujours pas organisé un scrutin présidentiel prévu depuis 2005 et sans cesse repoussé, a préféré rester à Abidjan, mais a envoyé un homme de confiance, Laurent Dona Fologo. Le président du Rwanda, Paul Kagamé, qui a reçu récemment son homologue français à Kigali, poursuit le rapprochement en faisant acte de présence.
Déception : Joseph Kabila (Congo-Kinshasa) est resté chez lui, tout comme les présidents du Burundi et de l'Ouganda, ce qui oblige à déclasser le « mini-sommet » prévu sur la crise dans la région des Grands Lacs en simple réunion ministérielle alors que des drames humains continuent d'ensanglanter cette région sur fond de courses aux matières premières. Mais un sommet France-Afrique, fût-il élargi à l'échelle du continent, est-il encore le lieu où se règlent des conflits pareils ? À l'évidence non, même si l'ordre du jour du sommet de Nice est ambitieux : place de l'Afrique dans la gouvernance mondiale, lutte contre le changement climatique, le terrorisme transnational ou la pauvreté.
Souverainetés factices ?
Mais, en cette « année de l'Afrique en France », le projecteur se braque surtout sur les retrouvailles avec les quatorze ex-colonies et protectorats africains. En acceptant enfin de revaloriser les pensions des anciens combattants coloniaux, Paris a envoyé un signal et préparé la venue sur les Champs-Élysées, le 14 Juillet, de troupes africaines rappelant la fameuse « force noire » d'antan. L'organisation en marge du sommet - et pour la première fois - d'un forum économique auquel participent 250 entreprises, dont 150 d'Afrique, se veut un gage d'avenir, avec des entreprises françaises qui signeront une charte de bonne conduite en matière sociale et environnementale.
Mais à l'heure où la perte d'influence de la France est palpable, le bilan d'un demi-siècle d'indépendances africaines ne peut être esquivé. La souveraineté des pays africains les plus fragiles ne serait-elle pas factice ? « Le paradoxe de cet anniversaire est de se produire en plein débat sur le retour à des formes de tutelle internationale », souligne Dominique Darbon, chercheur au CEAN, le Centre d'études d'Afrique noire de Bordeaux.
Originaire de l'ex-Zaïre, le professeur Musanji N'Galasso, coordinateur du livre collectif de trente intellectuels africains (1), lui fait écho : « Nos gouvernements n'ont jamais géré les indépendances de façon autonome, une tutelle a toujours existé peu ou prou, l'assistance est allée de pair avec la dette et on peut voir dans la mondialisation un nouvel avatar d'une stratégie d'assujettissement de l'Afrique. » Foin d'« afro-pessimisme » pourtant. Le dynamisme du continent, stimulé par des nouveaux partenaires actifs à défaut d'être désintéressés (la Chine au premier rang) n'est pas général mais il est réel. « L'Afrique vient de retrouver sa population d'avant la traite négrière, et dans trente ans, elle pèsera un quart de la population mondiale », rappelle le Sénégalais Alioune Fall, professeur de droit public à Bordeaux 4. En 2007, à Dakar, Nicolas Sarkozy avait regretté que l'homme africain soit resté « en marge de l'histoire » : avec trois ans de recul et après le démarrage d'une crise financière mondiale qui a relativement épargné l'Afrique, cette réflexion malheureuse paraît d'autant plus décalée…

par http://www.sudouest.fr/

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