Encore accusé de diviser le pays il y a quelques semaines, le président Ivoirien Laurent Gbagbo a réussi à se poser en rassembleur. Histoire d'une subtile remontée politique.
Laurent Gbagbo a démontré une nouvelle fois qu’il est le plus « politique » des politiciens ivoiriens. Il y a deux semaines, il était au fond du trou, accusé de bloquer le processus électoral et menacé d’une grande manifestation de l’opposition qui risquait de mal tourner. Le voilà, quelques jours plus tard, tout revigoré, auréolé du mérite d’avoir évité un drame, rétabli le dialogue et relancé la mécanique électorale.
S’il a réussi cette prouesse, c’est parce qu’il sait jauger ses adversaires, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Certes, il était inquiet, mais avait bien senti que ses opposants n’étaient pas aussi enthousiastes que leurs troupes à l’idée de battre le pavé. Trop de risques pour un mot d’ordre un peu vague.
Gbagbo se souvient de ce que lui avait dit Abdoulaye Wade en avril : « Négocie directement. » Avec Bédié d’abord, qu’il contacte alors qu’il se trouve dans ses plantations, à Daoukro, son village, dans l’est du pays. En gage de bonne volonté, Gbagbo offre de se déplacer jusqu’à son domicile. Ce sera le 10 mai, à Abidjan. Le tête-à-tête ne durera que dix minutes.
Exacerbation du tribalisme
Il approche aussi Ouattara, par l’entremise de Hamed Bakayoko. La rencontre est fixée au 17 mai. Le huis clos durera une heure et vingt-cinq minutes. Principal sujet abordé : la liste électorale et les 1 030 « fraudeurs » détectés par le camp présidentiel, et qui augurent, selon Gbagbo, de fraudes plus massives. Ce à quoi le président du Rassemblement des républicains (RDR) lui répond qu’il ne comprend pas pourquoi on s’acharne sur ces cas, qui ne représentent que 0,03 % du corps électoral. Et le voilà mettant en garde le président contre une exacerbation du tribalisme, les fraudeurs présumés portant tous des noms musulmans du Nord…
Ouattara accepte tout de même que l’on reprenne le contentieux sur l’examen des listes, pour dix jours seulement. Il n’avait pas vraiment le choix, Bédié ayant déjà donné son accord. Pas question de passer pour le parrain des « fraudeurs ».
De son côté, Gbagbo promet que, dès la semaine suivante, il annoncera une date pour la présidentielle. On connaît le sort de toutes les promesses de ce genre faites depuis cinq ans.
Que valent les accords de Ouagadougou ?
Du côté des militants de l’opposition, l’heure est à l’amertume. Un sentiment que partagent certains quadras du RDR et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). « On ne nous donne pas la parole, on ne nous consulte pas. Tout se décide entre trois hommes », se plaint l’un d’eux. Même déception chez les jeunes, qui ont l’impression que les « vieux s’entendent dans leur dos ».
Des accords postélectoraux ont-ils été passés dans le huis clos des salons bourgeois de Cocody et de la Riviera ? Possible. Le doute est suffisant pour que l’union de circonstance entre Bédié et Ouattara en prenne un coup.
Quant à Guillaume Soro, le Premier ministre et chef de l’ex-rébellion, il a été écarté de ce nouveau « dialogue direct ». Tout comme Boureima Badini, représentant du médiateur, Blaise Compaoré. « Gbagbo, Ouattara et Bédié se sont un peu assis sur les accords de Ouagadougou », estime un cadre de l’opposition. Pour faire bonne mesure, le président ivoirien a promis de dépêcher Désiré Tagro, son ministre de l’Intérieur, dans la capitale burkinabè pour rassurer le médiateur et le tenir informé des conciliabules abidjanais.
par jeune afrique http://www.jeuneafrique.com/
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