(Cyberpresse 27/05/2010)
NOUAKCHOTT — La condamnation à mort de trois Mauritaniens affiliés à Al-Qaïda, pour l'assassinat de touristes français en 2007, est un verdict "sans précédent" dans ce pays mais les commentateurs à Nouakchott doutent de son effet dissuasif sur des combattants islamistes déterminés.
La Cour criminelle de Nouakchott a condamné mardi à la peine capitale Sidi Ould Sidna, 22 ans, Maarouf Ould Haiba, 28 ans, et Mohamed Ould Chabarnou, 29 ans, reconnus coupables d'avoir tué les quatre Français près d'Aleg (sud-est).
"La justice a voulu prononcer un verdict à la hauteur des dégâts subis par la Mauritanie - son image dans le monde, son économie - et par la France en tant que partenaire important", estime un spécialiste du terrorisme, Isselmou Ould Salihi, du journal Tahalil hebdo, interrogé par l'AFP.
"Mais, en définitive, la peine de mort n'est pas une solution avec les salafistes qui l'adoptent pour leurs kamikazes. Et l'appliquer ne servirait à rien", a-t-il estimé, dans un pays qui n'a pas exécuté de condamnés à mort depuis plus de 20 ans.
L'assassinat des Français, à la veille de Noël 2007, avait traumatisé l'hospitalière Mauritanie. Le rallye Paris-Dakar avait été annulé pour la première fois.
Le nombre de touristes avait chuté de 60% en un an dans le pays.
Depuis, la branche maghrébine d'Al-Qaïda y a revendiqué différentes attaques meurtrières, l'assassinat d'un Américain ainsi que les enlèvements d'Espagnols et d'Italiens. Et, en août 2009, pour la première fois, un jeune Mauritanien s'était fait exploser aux abords de l'ambassade de France à Nouakchott.
Interviewé par l'AFP, le rédacteur en chef de Nouakchott Info, Mohamed Mahmoud Ebilamaali, regarde à présent du côté du président Mohamed Ould Abdel Aziz.
"Le pouvoir politique, libéré de l'emprise de la chose jugée, peut désormais dire son mot. Il peut commuer des peines, accorder son pardon, assure ce journaliste. C'est un autre processus qui commence et qui peut donner son sens aux résultats du dialogue spirituel engagé au début de l'année avec les salafistes détenus" à Nouakchott.
En février, le théologien mauritanien Mohamed El-Hassen Ould Dedaw avait affirmé que les tueurs présumés des Français avaient "proclamé leur repentir", suite au dialogue engagé en prison par des religieux mandatés par le gouvernement.
Pourtant, durant leur procès, les trois jeunes se sont maintes fois présentés comme des "soldats d'Al-Qaïda" engagés dans le "jihad". Et ils ont réagi à leur condamnation à mort en menaçant "tous les Français en Mauritanie et même au-delà, jusqu'à l'Afghanistan".
Pour le directeur du journal La Tribune, Mohamed Vall Ould Oumère, "on peut considérer que le verdict, sans précédent, est dissuasif et constitue une nouvelle étape dans la guerre contre Al-Qaïda", mais "la réaction des trois condamnés à mort peut également être lue comme un démenti de leur repentir annoncé par les théologiens".
"En somme le procès est loin de résoudre le problème", conclut M. Ould Oumère.
En France, le seul rescapé de l'attaque du 24 décembre 2007 s'est de nouveau déclaré "farouchement opposé à la peine de mort", selon le journal Le Dauphiné libéré.
"Ca ne me rendra pas mes gamins", a dit François Tollet, dont deux fils avaient été tués.
"Reconnaissante à la Mauritanie de ses efforts pour retrouver et juger les auteurs de l'assassinat", la France a également rappelé son "opposition de principe à la peine de mort en toute circonstance".
De Hademine OULD SADI (AFP)
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