Depuis plus de deux semaines, l'Afrique du Sud connaît un nouvel épisode de violences xénophobes. Des migrants, dont des commerçants somaliens, font l'objet d'attaques répétées dans les rues de Durban et ses banlieues pauvres. Ils sont accusés de tous les maux par la population comme par certains responsables politiques. Explications.
- Le roi zoulou, à l'origine de cette nouvelle flambée
Goodwill Zwelithini – chef traditionnel des 12 millions de Zoulous – a demandé fin mars aux « étrangers de faire leurs bagages et de retourner dans leurs pays ». Selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, plus de 5 000 étrangers, surtout des demandeurs d'asile et réfugiés africains, ont été déplacés ces trois dernières semaines. Pour l'instant, ces violences ont causé la mort de six personnes, selon le bilan des forces de l'ordre.
Samedi 18 avril, après une nouvelle nuit de violences perpétrées par de petits groupes de pilleurs et casseurs, la police a déployé des renforts dans l'agglomération de Johannesburg, gagnée jeudi par les violences.
Dans ce contexte tendu, le président, Jacob Zuma, a annoncé qu'il annulait son déplacement prévu en Indonésie pour le 60e anniversaire du sommet des Non-Alignés de Bandung. Jeudi, il avait condamné une « violation » des valeurs sud-africaines :
« Aucun degré de frustration ou de colère ne peut justifier des attaques contre des ressortissants étrangers ou le pillage de leurs magasins. »
- Une xénophobie banalisée au sommet de l'Etat
L'élite politique participe très largement à cette montée xénophobe. La ministre de l'eau a jugé en début d'année que le fait d'avoir « autant de petits commerces » tenus par des étrangers ne pouvait mener qu'à un « désastre ». La ministre des petites entreprises s'est pour sa part engagée à renforcer la réglementation à l'encontre de ces commerçants accusés de pratiquer une concurrence déloyale. « Les étrangers doivent comprendre qu'ils sont ici grâce à notre bonne volonté » et que « notre priorité, c'est d'abord et avant tout notre peuple », a-t-elle insisté.
Lire notre analyse : En Afrique du Sud, une xénophobie largement banalisée
Quant au secrétaire général de l'ANC, le parti au pouvoir, il a encouragé le gouvernement à « durcir l'application des lois sur l'immigration », ce qui fut déjà fait l'an dernier. Gwede Mantashe a même proposé l'établissement de camps de réfugiés pour mieux contrôler les étrangers illégaux.
- De fortes inégalités
Si ces déclarations virulentes à l'égard des migrants produisent un écho aussi favorable, c'est que le terrain est propice. Pays d'environ 50 millions d'habitants, l'Afrique du Sud compterait quelque cinq millions d'immigrés originaires pour la plupart d'Afrique australe, de la corne de l'Afrique et du sous-continent indien.
La pauvreté est endémique, le chômage chronique (25 % et jusqu'à 40 % chez les plus jeunes) et les frustrations énormes parmi la majorité noire, systématiquement brimée par la minorité blanche jusqu'au début des années 1990. Pourtant, l'Afrique du Sud étant le pays le plus industrialisé du continent, il attire de nombreux migrants africains.
- Des attaques similaires
Ce type d'affrontements n'est pas nouveau dans le pays, notamment dans les provinces où le pouvoir blanc a attisé le plus les violences entre Noirs sous l'apartheid. Le schéma des attaques est presque toujours similaire : des émeutiers s'en prennent à des magasins qu'ils pillent, et ils pourchassent les étrangers.
Lire aussi : A Soweto, accès de fièvre contre les « étrangers »
Dans les années 1990, alors que l'apartheid s'effondrait, la province d'Isipingo a connu une quasi-guerre civile. En 2008, une vague de xénophobie avait fait 62 morts, dont une vingtaine de Sud-Africains pris dans les violences, et des dizaines de milliers de déplacés.
Depuis, ces épisodes xénophobes sont récurrents, et ce d'autant plus que les auteurs de violences xénophobes sont rarement condamnés. En janvier, une explosion de violences avait fait six morts à Soweto, près de Johannesburg, après qu'un adolescent sud-africain a été tué par balle par un épicier somalien alors qu'il tentait de dévaliser la boutique.
lemonde.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire