Il y a tout juste soixante ans, le 24 avril 1955, les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques se retrouvaient à Bandung, en Indonésie, dans un même élan anticolonialiste. Le mouvement des non-alignés marquait l’entrée du tiers-monde sur la scène internationale. Aujourd’hui, la situation a bien changé. Le tiers-monde est devenu « économies émergentes » et la Chine, l’Inde ou encore l’Indonésie, des champions de la croissance économique mondiale que les pays développés veulent séduire.
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Mais une autre chose a changé. Aujourd’hui, le chef d’orchestre est chinois : il s’appelle Xi Jinping et depuis son accession à la tête du pays, fin 2012, il plaide pour un nouvel ordre mondial, dont les Etats-Unis et l’Europe seraient évidemment exclus.
Au sommet Asie Afrique de Jakarta, qui s’est tenu du 22 au 24 avril, Xi Jinping a volé la vedette à la plupart des 109 représentants de pays asiatiques et africains. Il a multiplié les annonces, les promesses et les discours, s’imposant comme le chef de file de cette nouvelle génération des « non-alignés ».
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Le président chinois ne plaide pas pour « un monde chinois », mais pour « un rêve chinois ». Espoir d’une croissance économique portée par un mélange de valeurs socialistes et confucianistes.
« En évoquant le rêve chinois, le rêve africain et le rêve mondial, le président Xi Jinping a lié les aspirations du peuple chinois à celles des différents peuples du monde, a commenté avec emphase Wang Yi, le ministre chinois des affaires étrangères. En présentant les réalisations et les expériences de la Chine en matière de développement, il a montré la confiance ferme de la Chine dans la théorie qu’elle a élaborée, la voie qu’elle a choisie et le régime qu’elle a instauré. »
Dans ce « rêve chinois », il embrasse l’Afrique et une grande partie de l’Asie. Misant comme d’habitude sur les relations économiques et commerciales. Xi Jinping a ainsi promis la levée des droits de douane sur 97 % des produits en provenance des pays africains et asiatiques ; il a également invité plus de 100 000 coopérants en Chine dans les cinq prochaines années. Un rêve qu’il pourra détailler lors du prochain sommet Chine Afrique qui aura lieu cet été en Afrique du Sud.
Mais la Chine de Xi Jinping a dû composer avec la surenchère de ses grands voisins que sont le Japon et l’Inde. Les deux pays ont en effet une politique africaine de plus en plus affirmée. L’Inde a ainsi présenté sa « Renewed Africa policy » qui table sur davantage de coopération avec le continent et dont le point d’orgue sera en octobre le troisième sommet Inde Afrique.
Même opération séduction du côté du Japon : « L’Afrique n’est plus considérée comme un bénéficiaire de l’aide japonaise, mais comme un partenaire de croissance », a lancé le premier ministre, Shinzo Abe, à Jakarta. Tokyo a promis de former 350 000 coopérants de pays en voie de développement et envisage de créer une zone de libre-échange avec certains pays africains.
Dans son bras de fer avec Pékin, le Japon mise en effet de plus en plus sur l’Afrique. En 2014, l’archipel a même investi davantage sur le continent que Pékin : sur les 4,2 milliards de dollars d’investissements des pays asiatiques en Afrique dans les domaines des infrastructures, de l’eau ou des pipelines, 3,5 milliards viennent du Japon. « Le Japon investit trois fois plus que la Chine », précise un rapport du cabinet londonien Linklaters LLP qui note que l’Inde arrive troisième dans cette course vers l’Afrique.
« Le Japon fait profil bas et adopte une attitude beaucoup plus discrète que la Chine, souligne Andrew Jones, directeur Afrique de Linklaters. Il y a 10 ou 15 ans, le Japon était déjà très actif sur le continent mais le flux financier a fini par diminuer. On constate depuis peu un retour de ces investissements japonais, notamment au Maroc. »
Si les grands pays asiatiques ont tous de grandes ambitions économiques et commerciales sur le continent, seule la Chine a mis sur la table une vision politique. « La Chine continuera à lutter pour les meilleurs intérêts des pays en développement sur la scène internationale », a déclaré Ji Qiufeng, professeur de relations internationales à l’université de Nanjing dans une tribune publiée dans le quotidien nationaliste chinois Global Times.
lemonde.fr
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