Les entreprises américaines négligent leurs obligations destinées à éviter qu’elles ne financent les parties en conflit dans l’est de la République démocratique du Congo en commercialisant des produits fabriqués à partir de minerais du sang, selon un rapport publié mercredi.
La plupart des entreprises semblent préférer agir comme si de rien n’était plutôt que de combattre véritablement le risque de voir leurs achats de minerais financer des groupes armés, écrivent l’organisation de défense des droits de l’Homme Amnesty International et Global Witness, ONG de lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays pauvres, dans un communiqué accompagnant cette étude.
C’est alarmant, ajoutent les deux ONG, qui ont entrepris de vérifier l’application d’un des volets de la loi américaine de réforme de la finance promulguée en 2010 (Dodd-Frank Act).
Cette section sur les minerais du sang (or, étain, coltan, tungstène) est entrée en vigueur en 2014 et impose aux sociétés cotées aux États-Unis de divulguer aux autorités de régulation boursière américaines si elles emploient ces matières premières, et, le cas échéant, de leur notifier si elles ont utilisé de tels matériaux extraits de la RDC ou de ses neuf pays voisins.
Les entreprises doivent dévoiler les mesures de contrôle qu’elles prennent pour s’assurer, à terme (la réglementation leur donne deux à quatre ans pour le faire en fonction de leur taille), que les minerais à risque qu’elles utilisent ne sont pas liés au conflit en RDC.
Selon Amnesty International et Global Witness, plus de mille sociétés américaines sont concernées par ces nouvelles règles. Les deux organisations en ont retenu cent, dont elles ont passé au cribles les déclarations déposées en 2014 à la commission des opérations de bourse américaine (SEC).
Leur rapport estime que 79% de ces entreprises n’ont pas répondu aux exigences minimales de la loi américaine sur les minerais du sang, et que 16% seulement sont allés enquêter plus loin que leurs fournisseurs directs pour entrer en contact ou tenter d’entrer en contact avec les fonderies ou les entreprises de raffinage qui traitent ces minerais.
L’est de la RDC est déchiré depuis plus de vingt ans par des conflits ethniques, fonciers ou identitaires auxquels se mêlent des considérations ou des intérêts politiques d’ordre national ou régional.
La plupart des belligérants tirent profit de l’exploitation ou du trafic des minerais dont regorge la zone.
Ceux visés par la loi Dodd Frank sont des composants essentiels des produits électroniques modernes, comme les téléphones portables.
Les disposition de ce texte sur les minerais du sang ont été combattues fermement par les milieux d’affaires aux États-Unis, qui se sont élevés contre des mesures qu’ils présentaient comme trop coûteuses ou trop lourdes à mettre en oeuvre.
Au Congo, la loi est à l’origine d’une polémique.
Dans une lettre ouverte publiée en septembre, 70 chercheurs, hommes politiques ou responsables d’ONG, estiment qu’au lieu d’arranger les choses, la loi Dodd-Frank a eu un certain nombre de conséquences non intentionnelles et dommageables.
Entre autre travers, la loi Dodd-Frank a poussé selon eux certains acheteurs internationaux à se conformer à la législation en se retirant du Congo du fait de l’absence de système de traçabilité fiable. Conséquence écrivent-ils : des milliers de mineurs se retrouvent sans gagne-pain, ce qui en fait des recrues de premier choix pour des groupes armés.
Contre les partisans de la loi, pour qui celle-ci ferait déjà sentir ses effets bénéfiques, ils font valoir que les minerais aident à perpétuer les conflits mais qu’ils n’en sont pas la cause.
afriqueinside.com
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