PRESIDENTIELLE EN GUINEE: l’angoissante attente des résultats

(Le Pays 10/11/2010)

C’est en principe aujourd’hui que les Guinéens connaîtront provisoirement qui présidera à leurs destinées dans les cinq ans à venir. Hier, c’était toujours l’attente et aussi l’angoisse. Les militants des deux camps, rassemblés dans leurs QG respectifs, spéculent, calculent, chacun estimant que c’est son leader qui sortira gagnant. Mais le mot d’ordre est resté le même : « Quel que soit le gagnant, c’est la Guinée qui gagne ! »

Le soleil a jeté un regard resplendissant en ce matin du mardi 9 novembre 2010 sur les calmes sommets du Fouta Djalon. De Kaloum à Matoto en passant par Dixinn et Ratoma, sans oublier Matam, les habitantes et habitants des cinq communes de Conakry sortent de leur maison et vaquent tranquillement à leurs occupations. Nombreux sont ceux qui ont l’oreille collée à des postes-radio, à l’affût des résultats de l’élection du 7 novembre 2010 que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’a pas encore communiqués. Mais à défaut de résultats, ils peuvent entendre les différents leaders de l’Alliance Arc-en-ciel et de l’Alliance Cellou Dalein Président. Le mot d’ordre général semble être ceci : « Nous savons que nous allons gagner. Mais quel que soit le gagnant, c’est la Guinée qui gagne ». C’est la substance de ce qu’ont dit François Louceny Fall qui soutient Alpha Condé et Sidya Touré qui est avec Cellou Dalein Diallo sur une des stations FM de Conakry. Mais n’empêche que tout le monde reste aux aguets et chacun se livre à ses spéculations. Dans les taxis, devant les boutiques, dans les rues, on dit que tel candidat a eu plus de voix dans telle commune ou telle région pendant que l’autre l’emporte largement dans telles autres. Au QG de l’Alliance Cellou Dalein Président, à Hamdallaye, de jeunes gens, aux environs de 8 h, sont réunis en groupuscules. Au milieu de chaque groupuscule, il y a un harangueur, qui, soit trace ses convictions sur le sol, soit les inscrit dans les yeux des membres de son auditoire. On dit ci, on dit ça. Dans telle zone, leur candidat a tout remporté, tandis que dans telle autre, ça ne va pas trop. Mais on reste tous certains : le candidat vaincra.
"La CENI, seule source fiable"
Mais Abdoulaye Barry, tenant un cartable en main, demande à ses frères de ne pas se fier aux rumeurs. « La seule source fiable, c’est la CENI. Attendons donc ses résultats. C’est demain non ? Alors, soyons patients ». Les autres approuvent … et on se remet à spéculer. Boubacar Diallo a tenu forcément à ce que nous lui accordions une interview. Cela fait, il lance un appel solennel : « Je suis un Guinéen. On espère que notre candidat va remporter le second tour. Je demande à la jeunesse guinéenne d’être unie. Si Cellou gagne, c’est la Guinée qui gagne. Si l’autre candidat gagne, c’est la Guinée qui gagne. Bonne chance à tout le peuple de Guinée ». C’est donc devenu pratiquement une devise. Au siège de l’Alliance Arc-en-ciel, toujours à Hamdallaye, il y a aussi des jeunes gens attroupés, mais seulement devant le portail, aux environs de 9h. L’accès à la cour est interdit, même à la presse, parce que les responsables ne sont pas encore là. Mais nous apprenons que les délégués régionaux de l’Alliance venaient juste de rentrer. Signe peut-être que les procès-verbaux de l’intérieur du pays convergent vers la CENI. On espère que ce slogan qui circule sur toutes les lèvres deviendra un fait ce 10 novembre. Et que la défaite, c’est pour la division ethnique et que le triomphe sera pour une Guinée unie.
Abdou ZOURE (Envoyé spécial)
ENCADRE
Pêle-mêle
* Un Burkinabè chez lui en Guinée
« Burkina et Guinée, c’est même chose ! » Votre serviteur ne sait plus le nombre de fois que cette phrase lui a été dite. Le nombre d’eaux de bienvenue chaleureusement offertes non plus. Il y a même un taximan qui a soutenu mordicus que nous ressemblions à un peulh et … que nous sommes peulh, « walaï ! » Un boutiquier nous a confondu avec un Soussou, une des ethnies guinéennes pendant qu’un autre inconnu nous payait une course dans un taxi. Qu’espérer de mieux ?
* Drôle de serment !
Pour une déclaration non anodine, c’en est une ! En effet, le directeur de campagne du candidat de l’Alliance Cellou Dalein Président, Fodé Issouf Fofana, a dit avec conviction, le 7 novembre 2010 : « Si Cellou Dalein Diallo n’est pas président, je ne ferai plus de politique ! » Il base cette conviction sur le fait que son candidat connaît la Guinée et que la Guinée le connaît. Mais il a terminé en répétant cependant le slogan qui circule sur toutes les lèvres : « La Guinée est une famille. Personne ne réussira à diviser la Guinée. Il y a un problème au-dessus du problème ethnique, c’est celui de la pauvreté. Et après ce scrutin, c’est la Guinée qui gagne ! »
* « Je te répondrai après l’élection »
Tout semble être suspendu aux résultats ici en Guinée. Souleymane, un bref compagnon de route dans les rues de Conakry, nous a indiqué qu’il travaille avec un Asiatique dans une petite société d’informatique. « Nous comptons l’agrandir après l’élection », nous a dit Souleymane Sylla. « Tout se fera donc après les élections ? » avons-nous demandé. « Oui. Même si tu poses une question à quelqu’un, il te dira : « Je te répondrai après les élections ! » (rires de Souleymane Sylla).

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