(Afriscoop 18/11/2010)
Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, dit l’adage. Et l’on faisait bien de faire nôtre ce dicton en nous demandant où mènerait au juste l’enquête sur le patrimoine en France de trois chefs d’Etat africains, Denis Sassou-Nguesso du Congo Brazzaville, Téodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale et le défunt Omar Bongo Ondimba du Gabon, ainsi que de leurs proches (dans notre Grille de lecture du jeudi 11 novembre 2010 : Enquête sur les biens mal acquis : Ce n’est pas parce qu’on est Noir qu’on ne doit pas montrer patte blanche).
Les récents développements de la fameuse affaire des « Biens mal acquis (BMA) », notamment au Gabon, laissent croire, en effet, que le bout du tunnel de cette marche juridique est encore loin. Ainsi, après un collectif d’ONG gabonaises, ayant porté plainte le 15 novembre devant le Tribunal de Libreville pour « propos diffamatoires » contre Transparency international-France (NDLR : L’ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption à l’origine de la demande d’enquête sur le patrimoine détenu en France par les trois chefs d’Etat africains), c’est au tour du mouvement Génération Omar- Bongo, regroupant des jeunes partisans du pouvoir, de se mobiliser en appelant, le 16 novembre dernier, à un boycott des produits de Total-Gabon pendant une semaine à partir d’aujourd’hui jeudi 18 novembre 2010.
« La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts », disait le général de Gaulle. Eh bien, il est justement pris au mot par le mouvement présidé par Chantal Ondo, qui justifie leur appel à boycotter le principal intérêt français sur le territoire gabonais par la célèbre phrase de Charles De Gaulle : « Pour services rendus à la France, le président de la République gabonaise, paix à son âme, est traîné devant les tribunaux. Charles de Gaulle disait que la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Et parmi ces intérêts chez nous, il y a Total-Gabon que nous allons boycotter parce que nous n’admettons pas cela. L’opération consistera à refuser tout produit Total Gabon. Nous disons tout chez Total-Gabon, à savoir le carburant, le gaz, les huiles et autres accessoires. Et que tous ceux qui se sentent Gabonais, Africains se mobilisent et se lèvent comme un seul homme pendant ces jours de boycott parce que le symbole de l’occupation française en Afrique et au Gabon, c’est Total-Gabon, et en plus, c’est avec cet argent qu’ils nous combattent ».
Maintenant, il y a lieu de se demander si les intérêts de la France ne vont pas primés sur sa soif de justice ou, du moins, en partie. La menace est bien réelle, car, en plus de ses dividendes chez Total-Gabon (dont 25 % sont détenus par l’Etat gabonais), la France doit faire face à l’accusation de « délit d’ingérence dans la politique d’Etats souverains » qu’opposent les contempteurs de l’enquête sur les biens mal acquis. Ce dossier, diplomatiquement et économiquement « sensible » des BMA, est en fait une patate chaude que l’on va refiler au tout nouveau ministre français de la Justice, Michel Mercier.
Et puisque qu’il faut encore faire la preuve que les biens mis en cause ont été effectivement volés, il ne serait pas étonnant que l’on traîne les pieds sur le dossier. Il y a fort à parier donc que les populations spoliées ne puissent pas remercier Michel (en tout cas, pas de sitôt) pour le rapatriement de leur dû. La France ira-t-elle jusqu’à compromettre et, peut-être même, perdre ses "amis" et son "argent" pour que justice soit faite ? La question reste posée.
Une chose est sûre, le feuilleton BMA est loin d’être terminé et les rebondissements ne manqueront pas, mais bien malin est celui qui pourra dire quel sera le contenu du prochain épisode.
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