lundi 17 janvier 2011

Niger - Ousmane : «Il n'y aura aucune base d'Aqmi au Niger»

(Le Figaro 17/01/2011)
Cissé Ousmane : « L'assaut final a bien été donné par les forces françaises, je le confirme. »
INTERVIEW - Le ministre de l'Intérieur nigérien dit avoir fait «le choix stratégique de préserver la vie des otages».
Le Niger est une barrière fragile contre al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Lors de la course-poursuite engagée pour couper la route aux preneurs d'otages, les forces nigériennes disposaient, par exemple, de véhicules moins rapides que ceux du commando islamiste. Quant à l'armée, elle est moins présente dans le nord du pays depuis la fin de la rébellion touareg en 2007. Le Niger est toutefois plus attentif au danger représenté par al-Qaida que son voisin malien en raison des richesses de son sous-sol saharien (uranium, pétrole, or). Mais il est difficile de contrôler un pays deux fois plus grand que la France avec une aviation réduite à deux hélicoptères, quelques ULM et deux avions d'observation. En France, les obsèques desdeux otages tués, Antoine de Léocour et Vincent Delory, doivent se dérouler aujourd'hui, en présence de Nicolas Sarkozy. Dimanche, des centaines de personnes ont participé à une marche silencieuse en mémoire des deux jeunes dans leur commune d'origine, Linselles, près de Lille. Et, à Toulouse, où travaillait Vincent Delory, plus de 150 collègues et amis ont défilé pour lui rendre hommage.
LE FIGARO. - Qu'en est-il de la polémique avec le ministère français de la Défense sur les gendarmes nigériens tués dans la prise d'otages ?
Cissé OUSMANE. - La mobilisation des Forces de défense et de sécurité du Niger a été exceptionnelle pour porter secours à ces pauvres innocents enlevés et pris en otage. Trois membres des forces de sécurité ont été blessés et trois gendarmes ont malheureusement payé de leur vie le choix stratégique du Niger de préserver coûte que coûte la vie des otages dans les opérations qui ont été engagées. L'assaut final a bien été donné par les forces françaises, je le confirme. Il n'y a aucune polémique entre nous et les Français. Chacun assumera sa part de responsabilité dans ce qui est arrivé le 8 janvier aux confins de la frontière nigéro-malienne.
Craignez-vous une extension d'Aqmi au Niger ?
Ce que nous craignons, c'est l'inertie et les lenteurs dans la mise en œuvre de stratégies communes. Il faut absolument circonscrire et neutraliser les activistes qui, aujourd'hui, semblent se mouvoir et opérer dans une partie du Sahel en profitant d'une certaine porosité des frontières et de la culture nomade de ces peuples qui vivent de part et d'autre des frontières de nos États.
Aqmi bénéficie-t-elle de complicités locales qui lui permettent de monter des opérations terroristes ?
Aqmi, ce n'est ni plus ni moins que quelques illuminés qui font de la surenchère religieuse, qui embrigadent et entretiennent quelques locaux intéressés et se servent de leurs activités criminelles pour s'enrichir par la rapine. Des complicités locales ? Aucun acte ne peut se faire sans que malheureusement l'appât du gain ne contribue à pervertir la moralité de quelques personnes vivant au Niger. On ne peut raisonnablement le nier.
Y a-t-il une collaboration entre Aqmi et les réseaux de contrebande ?
Parce que vous faites une distinction entre les deux ? J'ai beau chercher, je ne vois aucune différence. Ce sont les mêmes réseaux qui utilisent l'immensité du désert des pays du Sahel.
Aqmi a parlé dans son dernier communiqué d'un groupe de combattants «touaregs du Niger». Des Touaregs ou des Arabes liés à la dernière rébellion des «hommes bleus» ont-ils rejoint Aqmi ?
C'est de la propagande. Les communautés touaregs et arabes n'ont rien, absolument rien à voir avec cette bande de criminels. Il faut cesser cette stigmatisation qui est entretenue à dessein. Les événements de 2007 au nord Niger sont définitivement clos.
Le Niger a-t-il pris conscience du danger représenté par le terrorisme et l'islamisme radical ?
Le Niger paye un lourd tribut pour son combat contre le terrorisme. Je vous fais l'économie d'un décompte macabre de nos soldats morts depuis quatre ans. Qu'il soit bien entendu qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura aucune base d'Aqmi sur le territoire nigérien. Cela à cause de l'engagement et de la détermination des plus hautes autorités de ce pays et des forces de sécurité qui œuvrent pour qu'il n'y ait aucun sanctuaire du crime organisé dans notre pays. Mais aucune nation ne peut à elle seule venir à bout du phénomène. Il faut créer les conditions d'une synergie d'actions à même annihiler les prétentions hégémoniques des terroristes et régler l'équation Aqmi.

Par Thierry Oberlé
17/01/2011
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