jeudi 18 novembre 2010

Madagascar -Tentative de putsch avortée à Madagascar

(Le Point 18/11/2010)

Une vingtaine d'officiers ont annoncé mercredi prendre le pouvoir à Madagascar, le jour même d'un référendum constitutionnel, mais l'état-major de l'armée a promis d'écraser cette mutinerie. Le Premier ministre, Camille Vital, entouré des principaux chefs militaires du pays, a ordonné aux forces de sécurité de rester dans la légalité. "Nous avons déjà pris nos responsabilités et nous appelons la population à rester calme", a-t-il dit. "S'il s'agit d'une mutinerie, nous devons intervenir. On ne peut pas négocier avec des mutins", a déclaré par téléphone à Reuters le général de police Andrianazary, après une réunion d'urgence de la hiérarchie militaire à la primature, bureaux du Premier ministre.
Les putschistes disent avoir dissous toutes les institutions gouvernementales et le colonel Charles Andrianasoavina, d'une caserne proche de l'aéroport d'Antananarivo, dans les faubourgs de la capitale, a annoncé la formation d'un "conseil militaire pour le salut du peuple" chargé de diriger le pays. "Nous sommes en mutinerie depuis ce matin. Nous décidons de renverser ce régime", a-t-il dit dans une interview téléphonique à la chaîne d'information française France 24. "Prochainement, nous avons l'intention de prendre ce palais (présidentiel) et tous ses ministères. Notre revendication, c'est la mise en place d'un gouvernement consensuel et inclusif", a-t-il ajouté. "Pour demain, nous avons l'intention de prendre l'aéroport et personne ne peut quitter Madagascar", a ajouté l'officier rebelle.
"Guerre de communiqués"
Les forces de l'ordre ont dispersé un millier de manifestants favorables aux putschistes qui avaient érigé une barricade et mis le feu à des pneus près de la caserne où sont installés les mutins. Emmanuel Rakotovahiny, un allié de l'ancien président Albert Zafy, a rappelé que ce dernier avait récemment invité les militaires à "assumer leurs responsabilités", sans toutefois appeler à une rébellion ouverte. "Je crois comprendre que ces officiers ont agi en conséquence", a-t-il dit.
Cette tentative de putsch coïncide avec la tenue d'un référendum constitutionnel visant à légitimer le pouvoir du président Andry Rajoelina. Ce dernier est arrivé au pouvoir en mars 2009, à la faveur d'un coup d'État dirigé contre le président élu Marc Ravalomanana avec l'aide d'une partie de l'armée, notamment du colonel Andrianasoavina. Un autre officier supérieur ayant à l'époque soutenu Rajoelina a fait savoir qu'il faisait partie lui aussi des rebelles.
"Pour l'instant, ce n'est qu'une guerre de communiqués, mais les choses pourraient vite dégénérer", a déclaré une spécialiste des affaires malgaches, Lydie Bokar, du cabinet de consultants StrategieCo, basé à Lille, dans le nord de la France. Selon le correspondant de Reuters, le calme prévaut devant le palais présidentiel situé dans le centre de la capitale. Les forces de sécurité sont, en revanche, déployées dans les rues pour veiller au bon déroulement des opérations électorales.
Calendrier électoral
Madagascar n'a plus de loi fondamentale depuis le renversement du président Ravalomanana. Andry Rajoelina a signé en août un accord avec une centaine de petits partis établissant un calendrier électoral pour résoudre la crise, mais les trois grandes mouvances de l'opposition, toutes dirigées par d'anciens présidents, l'ont rejeté et appellent au boycottage du référendum. Le calendrier mis au point fixe au 16 mars 2011 des élections législatives, suivies d'un scrutin présidentiel le 4 mai.
Le référendum, initialement prévu en juin, a été retardé afin d'achever la rédaction du nouveau projet de Constitution. Celui-ci abaisse de 40 à 35 ans l'âge minimal pour exercer la fonction de président, ce qui permettrait à Rajoelina, qui a 36 ans, de rester à son poste et de briguer la présidence en mai prochain s'il le souhaite.
Les détracteurs du projet constitutionnel soulignent qu'il ne fixe aucune limite à la durée du gouvernement de transition, ce qui signifie que les dates des prochaines échéances électorales ne sont pas légalement contraignantes. Ils déplorent en outre que le document continue de concentrer les pouvoirs entre les mains du président. Les observateurs politiques s'attendent à la victoire du "oui", mais une faible participation, notamment dans la capitale, pourrait porter un coup à Rajoelina, qui peine à légitimer sa prise de pouvoir.

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