(L'Express 18/11/2010)
L'état d'urgence a été décrété mercredi en Guinée après les violences déclenchées par la proclamation du résultat de l'élection présidentielle, qui ont fait une dizaine de morts selon une ONG.
La mesure d'exception, assortie d'un couvre-feu nocturne, restera en vigueur jusqu'à la confirmation des résultats définitifs par la Cour suprême, qui a huit jours pour statuer à partir de l'annonce, lundi soir, de l'élection d'Alpha Condé.
Après plus d'une semaine d'attente, la proclamation de la victoire de cet opposant historique au second tour de la présidentielle du 7 novembre avec 52,5% des voix a été suivie de heurts en certains endroits du pays, notamment à Conakry, la capitale, sur fond de tensions ethniques.
Arrivé largement en tête au premier tour, Cellou Dalein Diallo a déposé un recours devant la Cour suprême. Malgré des appels au calme, des partisans de Diallo, issu de l'ethnie peule, sont descendus dans la rue où ils ont affronté les forces de l'ordre et des partisans de Condé, un Malinké.
Selon l'ONG RADDHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme), le bilan des violences est d'une dizaine de morts et 215 blessés.
"On compte une dizaine de morts sur l'ensemble du territoire national dont quatre sont à la morgue de l'hôpital Donka et deux cent quinze blessés dont trente-six sont hospitalisés", a déclaré l'organisation panafricaine basée à Dakar.
Dans son communiqué, la RADDHO explique que les violences ont été provoquées par les tensions politiques et ethniques mais exacerbées par une réaction brutale des forces de sécurité.
COUPS DE FEU
"Dans le souci de préserver la paix, la quiétude et l'unité nationale, il est décrété l'état d'urgence à partir de cet instant et ce jusqu'à la proclamation des résultats définitifs du second tour de l'élection présidentielle par la Cour suprême," a déclaré le chef de l'armée, Nouhou Thiam, à la télévision nationale.
Un policier ayant requis l'anonymat a précisé que le couvre-feu serait en vigueur de 18h00 (18h00 GMT) au matin. Il a souligné que les forces de l'ordre disposaient désormais de pouvoirs étendus pour faire face à la situation.
Premier scrutin démocratique en Guinée depuis l'indépendance vis-à-vis de la France en 1958, l'élection présidentielle doit permettre un retour à un régime civil deux ans après un putsch militaire à la suite du décès de l'ex-président Lansana Conté.
Mercredi soir, le calme était revenu dans la majeure partie de Conakry mais des témoignages faisaient état de tirs des forces de sécurité dans le quartier de Ratoma, un bastion des partisans de Diallo. Nouhou Thiam a déclaré que l'armée avait été déployée en renfort de la police.
Dans la journée, un habitant du quartier de Koloma joint au téléphone par Reuters avait déclaré que des coups de feu et des arrestations ciblées se poursuivaient. Des témoins ont fait état de violences également dans les quartiers d'Hamdallaya, Bambeto, Cosa et Simbaya, majoritairement peuls. Des habitants ont déclaré avoir vu des bandes de jeunes gens armés de machettes dans plusieurs secteurs de la capitale.
Diallo a de son côté assuré que ses partisans avaient été visés dans le cadre d'une campagne de répression organisée et qu'on lui avait parlé jusqu'ici de dix morts au moins, sans qu'il ait pu vérifier ces informations.
"On a assassiné beaucoup de mes partisans (...) Il faut que les autorités prennent leurs responsabilités sinon nous serons obligés d'appeler les gens à se défendre," a-t-il dit.
Mardi, les autorités guinéennes ont invité les forces de l'ordre à s'abstenir de faire usage d'armes à feu et instauré un couvre-feu dans la région de Labé, dans le Fouta Djalon, où des hommes en armes ont dévalisé et malmené des passagers de bus.
"Il existe des poches de violence et des informations signalant un usage excessif de la force", a déclaré Corinne Dufka, chercheuse à HRW, à Reuters. "Des gens arrivent dans les hôpitaux, blessés, soit lors d'affrontements intercommunautaires, soit par les forces de l'ordre."
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